Alors, heureusement, nous n’étions pas avec Paulette, ce jour-là. Parce que question de mettre le pied à terre… On a donné. Il faisait beau, assez froid, on est quand même fin septembre à 2 200 mètres d’altitude et le vent se donne cordialement. Nous décollons d’UlldeTer (nous étions arrivés la veille par là) sur le coup de 8 heures pour cette longue et belle journée, apothéose attendue du week-end. Pour s’échauffer, rien de tel que 300 mètres de portage, avec un poil de roulage au milieu juste pour faire rire Nico mais moi je trouve que ça permet de changer de position et ça rend la montée moins pénible. Didier est dans le dur d’entrée, il sait que la journée va être longue.
Ce qu’il ne sait pas encore, il a deviné mais aura confirmation, c’est que son sac, c’est de la merde.
À chaque fois qu’il voudra chercher un truc, il sera obligé de tout en sortir. Ce qu’il ne sait pas non plus c’est que les moufles ça marche pour le ski mais vachement moins bien pour le vélo, au moins quand il s’agit de freiner dans le pentu (Psst, Didier, la prochaine fois, n’attends pas le matin pour rassembler tes affaires (dit le gars qui fait pareil mais par miracle n’a cette fois quasi rien oublié)). Donc nous sommes finalement assez rapidement au col de Marrana et nous engageons par une courte descente dans la vallée du Freser.
C’est là que les choses sérieuses commencent. À gauche un superbe sentier nous fait de l’œil, mais on passe en l’ignorant avec superbe, lui descend, nous, on doit monter pour aller jusqu’au pic de la Vache à 2 800 mètres d’altitude en passant par le pic de Tirapits. Et on est à 2300, à vue de nez. La montée n’est pas très difficile, on peut pousser assez longtemps, puis, quand cela devient trop raide, on porte un peu. La vallée est comme un escalier de géant, avec des marches. Jusqu’au coup de grâce. Quand on est au bout du bout et que, comme dans toutes les vallées, il faut en sortir par un dernier bout. Très raide.
Encore que celui-là n’est pas des plus terribles mais il referme une parenthèse de 2 h 30 consacrées à prendre de l’altitude. 2 h 30 qui laissent du temps pour rêvasser au galbe des mollets de la fille du facteur et au bouquet changeant de sauterelles de papillons et de reinette, ou de rêver d’être vautour.
Quand on débouche en haut, ça caille. Le vent est suffisamment fort pour, combiné au froid de l’altitude, engourdir les lèvres. Quand on parle on a l’impression de sortir de chez le dentiste avec la bouche à moitié anesthésiée. Malgré le soleil. De là, on voit la mer, la baie de Rosas, Monsterrat aussi, là-bas, le Puigmal, bientôt on apercevra le sanctuaire de Nuria.
Mais à partir de là, c’est régalade. La trace se fait aussi douce que les rayons du soleil couchant un soir d’été. On peut rouler, la pente n’est plus raide, le sentier se fait tapis rouge, on se sentirait presque léger. Et nous profitons à plein. Petit coup d’œil à la Carança, en contrebas. On salue cet autre sentier qui nous en a tant fait baver cet été, Nico et moi. Ce mur pour atteindre le col de Vache après le dernier lac. Ceux qui sachent saveront de quoi qu’on cause.
On claque la bise au Pic de la vache, point haut du jour et on dévale vers le col, vite, très vite. Puis il faut porter encore un peu pour rejoindre les neuf croix, se laisser glisser sur le sentier qui ondule maintenant en suivant le profil de la crête. C’est beau, c’est bon.
Nico a filé devant, on l’aperçoit en bas au col de Nou Fonts quand nous nous engageons dans la descente. Mal aisée, quelques passages à pied.
Je manque de me satelliser salement, mais avec style, à 100 mètres du col, mais ce sera pour un autre jour. À Nou Fonts nous en avons fini avec le scabreux. Il ne reste que du bon malgré quelques difficultés.
Le plaisir ? Ce grand bout presque droit en dévers qui conduit au pied du col d’en Bernat, dernier coup de cul du jour. La descente qui suit, jusqu’au lac niché dans le haut de la vallée, un régal de flow un peu rugueux parsemé de quelques défis amusants sans grand danger. C’est de l’or en barre, ça tombe bien, on était là pour ça !
L’altitude rapidement perdue nous met aussi, ce n’est pas négligeable, à l’abri du vent glacial des sommets. Et vous savez quoi ? Il est midi, ça tombe bien. On se pose au bord du lac transparent pour manger un morceau et reposer nos organismes un peu entamés par la première partie de la journée. La suite va en effet nous demander pas mal d’énergie pour rejoindre Fontpédrouse, genre, 1 000 mètres plus bas. On s’escrime d’abord dans la caillasse, puis dans le sentier à vache. Ça pique un peu les cuisses et les bras jusqu’à l’entrée dans la forêt où commence le dernier chantier du jour.
Quelques hectomètres, pas vraiment roulables suivis par un sentier sans grande pente mais des caillasses traîtresses partout et des branches prêtes à bondir pour accrocher le cintre et vous envoyer brouter les pommes de pin. Nico en fera les frais un peu avant la sortie au refuge de l’orri. Ce chameau a même fait semblant d’être assommé pour nous fiche la trouille à moi, puis Didier, quand nous avons déboulé sur la scène du crime…
La suite était bien plus roulante, la piste jusqu’au réservoir, puis Jack Hammer, sentier bien connu dans le coin pour mettre les côtes et les vertèbres à rude épreuve. Au château ruiné restait à se laisser glisser jusqu’à Prats Balaguer et sa fontaine dédiée à Saint-Ricard. Si si.
Et là, Dider, crevé, se rend compte qu’on peut être choper le train de 14 h 30 pour remonter à Mont-Louis. Sauf qu’il y a 10 ans que je ne suis plus passé par cette dernière descente et je n’ai plus aucune idée du temps que cela va nous prendre, ni aucune idée du temps que nous réclamera la remontée jusqu’à la gare de Fontpédrouse… Mais sur un malentendu, il est 14 h 10, ça peut passer… Alors on fonce.
Comme des cochons dans la descente, ça sent les freins brûlants, ça bêle aussi dans les cuisses, les épaules, les bras, déjà mis à rude épreuve depuis plus de deux heures. Ça ripe dans les épingles, ça serre les fesses quand le sentier est à moitié effondré et se propose de nous envoyer deux mètres plus bas… La poignée dans le coin, nous remontons rapidement jusqu’à la gare, il est 14 h 22. Et en fait le train est à 44. #eazy. De quoi conclure tranquillement cette belle journée à plus de 2 000 mètres de dénivelé négatif !
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