Au loin l’horizon. L’avantage des crêtes, au moins quand on les arpente, c’est justement d’avoir toujours le lointain pour horizon et non les perspectives étriquées de nos vies laborieuses. Je ne sais plus si je l’ai déjà dit, mais j’ai toujours été fasciné par les frontières terrestres, encore plus quand elles s’incarnent dans le paysage. Donc je voulais aller y voir.
J’avais quelques sauts à vélo du côté du Puigmal à mon actif, mais l’attention requise par le pilotage en ces endroits forts délicats à rouler rend difficile la contemplation, même si l’on s’arrête de loin en loin. C’est à pied que je me trouve le plus à même de profiter de ces endroits. Après un chouette et tonique tour des Pérics en trois jours en 2021, mon amie Anne m’accompagne pour cette nouvelle aventure de trois jours également qui va nous mener sur des sentiers que je connais à peine pour un bol d’air à nul autre pareil.
La première journée est consacrée à prendre de l’altitude. Nous laissons la voiture à Fontpédrouse, lieu de notre atterrissage prévu dans trois jours si tout va bien. Un coup de stop nous permet de rejoindre Thuès et nous nous engageons dans la vallée de la Carança sur le coup de 11 heures. Il y a quatre heures, Anne était encore à l’aéroport de Nantes, le saut de puce est radical. De suite nous sommes mis dans le bain, choisissant le sentier de la rive gauche plutôt que la corniche de la rive droite, et nous nous enfonçons dans les gorges, heureux d’être là et avec comme toujours pour moi, cette angoisse légère quant aux aventures imprévues qui pourraient nous arriver. Il y a du monde sur le sentier, les gens sont joyeux et nous progressons en laissant nos muscles chauffer doucement, jusqu’au tronçon largement équipé de passerelles.
Là je flippe un peu, pas tant sur les passerelles que sur les ponts de singe, même si depuis mon aventure avec mes filles dans la petite via ferrata de Saint-Paul, une quinzaine de jours avant, a débloqué pas mal de trucs (faites-moi penser à vous raconter cela un jour). Les passerelles passent bien, nous faisons une pause casse-croûte les pieds dans l’herbe le long du ruisseau un peu après la sortie. Il fait beau, pas et l’endroit, un peu à l’écart du sentier top.
Puis nous poursuivons. Cette deuxième partie est un peu longue, moins intéressante mais elle se fait bien jusqu’au refuge de la Carança. Nous récupérons la tente louée pour la nuit, nous la montons, profitons de l’eau glaciale pour nous rincer et prendre le temps, nous l’avons, de lire au soleil. Repas sympa au refuge puis rapido au plumard pour la nuit la plus froide de ma vie (enfin non, je pense avoir eu plus froid encore aux Camporells mais c’est une autre (drôle) d’histoire).
Au petit matin, ciel bleu, temps très frais, nous partons assez vite sur le chemin pour arriver à l’étape suivante en début d’après-midi. La montée est longue (je le sais j’ai descendu ce sentier quelques mois auparavant au cours d’une interminable aventure avec l’ami Alex). Mais c’est tellement beau. Nous gravissons un à un les paliers que la vallée de la Carança glisse sous nos pas, c’est un peu comme un escalier géant. Nous bavardons chemin faisant avec des pêcheurs en goguette pour atteindre le premier des trois lacs qui scandent l’ascension jusqu’au col de la vache.
C’est raide mais le paysage est de toute beauté, les rhododendrons en fleur, l’herbe verte, seul le vent, fort et froid, nous cueille au col à 2 700 mètres. Nous nous planquons derrière un tas de cailloux pour manger un morceau. Puis nous reprenons notre chemin, dans le vent, sur la crête et vers l’est et le refuge d’Ull de Ter. Sous le Pic de la Vache nous basculons dans la vallée du Freser. Et là, c’est 30 millions d’amis. Il y a des marmottes et des isards partout. Le temps d’une rapide remontée vers le col de la Marana et nous plongeons vers le refuge avec la pluie aux trousses.
Une douche chaude plus tard il n’y paraît plus, nous profitons de la fin d’après midi sur la terrasse couverte en lisant et regardant la pluie tomber. On n’aura pas vraiment le temps de profiter du repas, il est expédié en 30 minutes, mais c’est une bonne raison pour se coucher tôt et ne pas avoir froid, cette fois !
Le ciel est dégagé au petit matin nous filons vite, nous avons devant nous la plus longue journée de notre périple. Le vent est un peu moins fort que la veille, mais il fait toujours aussi frais. Nous gagnons rapidement le col de Marana, puis remontons la vallée du Freser où les isards nous font une démonstration de leurs talents de coureurs des montagnes Au loin, dans les vallées, on aperçoit les nuages enchassés dans les vallées.
Et nous sommes bien contents d’être au soleil ! Je profite à plein des paysages et des horizons lointains, nous avons le temps avant de basculer vers la vallée de l’orri au col de Nou fonts, une balade pas dégueu entre 2 700 et 2 800 mètres, ce n’est pas tous les jours ! Il n’y a pas grand monde encore sur le sentier, nous ne sommes que fin juin. Sinon le vent. Quand nous basculons pour de bon dans la vallée au Coll d’en Bernat puisque nous sommes, enfin, à l’abri !
Nous profitons de son absence pour nous poser au bord de l’étang tout en haut de la vallée, ôter les chaussures qui font un peu mal aux pieds à force, manger un morceau et reprendre des forces pour nous lancer dans la longue descente qui nous attend jusqu’à la voiture avec la bagatelle de 1 400 de dénivelé négatif. À 16 heures 30 l’affaire est dans le sac. Il fait chaud dans la vallée !
Nous avons bouclé notre balade sans bobos, sinon une ampoule pour moi au milieu de la descente. Avec un peu plus de 45 kilomètres (de très belle montagne) et près de 3 000 mètres de dénivelé. Qui m’ont convaincu que les bâtons de rando c’est top !
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