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Bon, c’est vrai, j’avoue, c’est une vraie connerie. Mais à nos âges, ce sont ces conneries qui font rêver parce qu’elles mettent à l’épreuve ce que nous sommes. Sommes devenus. Aller au refuge d’En Beys à vélo n’est pas une bonne idée quand on aime le vélo. Alors que ça l’est vraiment quand on aime la montagne. Aller à En Beys à vélo n’est pas une bonne idée quand on aime qu’un plan se déroule sans accroc, que les sentiers se roulent sans mot dire. Non, aller à En Beys à vélo, c’est aller à En Beys AVEC son vélo. Nuance. Ce n’était pas la première fois. Non, la troisième en fait, donc nous ne pouvions pas avoir l’excuse de l’inconnu. Nous savions. Pire. Nous voulions. Pire. Nous en rêvions. 

J’ai beaucoup pensé à toi Benjamin, c’était un truc que j’avais mis de côté pour toi parce que ça t’aurait plu. Évidemment. C’est de la montagne, c’est plein de challenges et un peu débile à la fois. Bref. La première fois, c’était en 2016. On avait fait une connerie au milieu, on avait fini sur les rotules. Mais c’était beau. La deuxième fois, en 2018, jour de la finale de la coupe du monde, c’était beau mais l’orage nous avait détournés et nous étions rentrés penauds et trempés. Alors cette fois, tout était de nouveau réuni. La météo. La compagnie, Nico, ne manquait que Didier victime d’une traîtrise urbaine et d’un coude en vrac. Et surtout l’envie. Nous partîmes deux du haut de la station de Formiguères et parvînmes deux à En Beys. Au bout de six heures d’efforts et de plaisirs mélangés. Franchement avoir la forme ça change tout. 

On a gobé la montée à la serre de Maury en serrant les dents mais c’est passé. La remontée jusqu’au pic de Mortiers en gérant peinard, et presque tout fait sur le vélo jusqu’au Terrers. Ensuite, la descente est belle. Et nous sommes gourmands. Aller droit au but ? Alors qu’on peut plonger à droite pour en reprendre un morceau ? Cumuler 1 000 mètres de dénivelé négatif d’un bloc ? Mais bien sûr quelle aubaine ! Hein ? Il y 500 mètres de dénivelé à reprendre en portage après ? On s’en branle, on est fort, invincibles même. Feu. Au pied du portage on faisait moins les malins, il faisait chaud mais on est monté. Sans se forcer. Sans se presser. Quand on a le temps, tout passe. En fait. Et c’était, pour moi, bien moins douloureux que les deux fois précédentes. 

Je passe vite fait sur le jour du milieu dédié à la rando, vite fait, 400 mètres de dénivelé pour dérouiller les jambes à peine fatiguées, un plouf dans l’eau fraiche du petit lac et la glandouille grand style. J’en viens au jour trois. Celui du retour. Bon déjà on sait que ça va être long. Là, devant nous, dans la brume, les nuages squattent la vallée depuis la veille au soir, ce sont trois heures et demie de portage/poussage qui nous attendent. Nous sommes levés de bonne heure. Un peu d’angoisse ? May be. Et c’est parti. Une petite heure pour arriver à la Jasse. Ça laisse le temps de réfléchir, déjà. Notamment à cette remarque faite au refuge, un peu étonnée. « Mais qu’est ce qui vous pousse à faire ça à vélo ? L’orgueil d’être les seuls à faire ceci ? » J’avoue que la question m’a bousculé. Mais en fait non. Ce n’est pas l’orgueil, je ne crois pas, à l’âge de mes artères plus ce que je leur ai fait subir, que l’orgueil soit en jeu. Non. C’est un truc vachement plus égoïste. 

La simple satisfaction d’avoir été là. D’avoir surmonté mes/nos limites. La simple satisfaction que le temps n’ait plus de prise sur moi pendant 36 heures. La nuit est alors notre seul horizon, le téléphone ne « passe » pas, comme si un téléphone pouvait « passer » quelque part. La simple satisfaction d’être là, de profiter de paysages magnifiques pendant des heures durant, loin de la furie du monde. La simple satisfaction de bavarder avec les amis Julien et Sylvain, les gardiens du refuge et leur équipe, de plonger dans le lac d’eau froide pour se requinquer, de boire une bière, ou deux, et trois, plus, en partageant nos rêves de montagnards de pacotille. Nous sommes donc là pour ça. Prendre du bon temps, Nico et moi. 

Et nous avançons, vélo sur le dos, vers la Porteilla Gran. Doucement. Pas après pas.

Les nuages s’estompent, on quitte le bain d’humidité du départ, on est au sec mais le soleil c’est pour plus tard, juste sous le col à 2 600 mètres d’altitude. Puis feu. On roule, c’est complexe. Mais on roule. On coupe par un sentier de vaches, on se régale. Camporells à midi.

Les lacs bleus.

On mange un bout puis on file. On est à la voiture à 14 heures. C’est bon. C’est bien. Franchement Benjamin, j’aurais aimé que tu sois là. Avec nous. 

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