Vous allez finir par croire qu’on est maso. Mais vous avez peut-être raison. Parce qu’en effet, nous avons remis le couvert pour tenter, sans plus de succès, de partir à l’assaut du Canigou. Échaudés par l’aventure de 2021, nous jetons cette fois notre dévolu sur la crête du Barbet, si proche du sommet du Canigó qu’on croirait pouvoir le toucher du doigt et sur laquelle j’étais passé à vélo quelques semaines auparavant, en octobre. Cette année, les conditions n’ont pas été réunies avant début avril, soit tard en saison, mais la neige était tombée en abondance en début de printemps. Il y avait encore plus d’un mètre autour du refuge de la Jasse des Cortalets à 2 000 mètres d’altitude ! Pour la montée, ben c’était moins dur qu’en 2021, probablement parce que j’avais bien roulé depuis, sans vraiment faire de pause durant l’hiver grâce à l’équipe des riders de nuit qui bravent le froid avec moi… L’équipe avait un peu changé. À la place de Marie, bien contrainte de rester au chaud pour s’occuper de sa petite Charlie nous avons embarqué Micky Boy qui avait une revanche à prendre, mais c’est une autre histoire que je conterai plus tard…
Nous avons touché la neige peu ou prou au même niveau que l’an dernier, soit en arrivant au refuge de Balatg. Et comme l’an dernier, c’est devenu compliqué dans l’épingle qui surplombe le refuge. Et comme l’an dernier j’ai pu remonter un peu sur le vélo en m’engageant sur profil moins raide de l’ancienne piste, au moins deux épingles avant de pousser jusqu’au refuge. Mais cette année, j’ai été le seul à monter le vélo, mes trois compères, poussés par une fainéantise coupable, avaient planqué les leurs dans la forêt pour finir à pied ou en raquettes…
Au refuge, des crétins, Palissy de bas étage, avaient démonté deux planches d’un bas flanc, probablement pour les faire brûler dans la cheminée… Le nombre de couchage utilisable était, de fait, réduit à trois alors que nous étions quatre… Il allait falloir se serrer. Le bois coupé, le feu allumé, nous pouvions passer aux choses sérieuses, manger et boire un (des) coup(s) avant d’éteindre sur le coup de 21 heures (de mémoire) parce que nous avions pour projet de partir de nuit vers le sommet, ultime coquetterie d’aventuriers en carton-pâte.
Je passe sur la qualité de la nuit (moi j’ai bien dormi Didier aussi), Simon pas vraiment et Micky pas du tout, ou si peu que c’était du pareil au même au vu de sa tronche au réveil. Tôt. Tellement tôt. Café, frontale, raquettes pour les uns, skis pour l’autre, nous quittions le refuge bien avant le lever du jour comme convenu, nous aventurant sur une neige glacée à souhait, et poussés par un vent, genre glacial et patibulaire, mais seulement quand nous étions dans le bon sens. Là, c’est vrai, on a traîné. C’était beau, l’aube sur la mer, les nuages lenticulaires au-dessus de la montagne, tout était violet ou rose et nous avons touché le soleil en arrivant aux Cortalets. C’était bien, mais nous étions loin de notre objectif, la crête du Barbet.
Pour rester à l’abri, nous avons opté par la voie la plus directe, la crête, dré dans le pentu glissant, ou presque Et on en a chié. Bien comme il faut. Longtemps. Parfois la neige était glacée et les raquettes glissaient malgré les crampons. Parfois elle était poudreuse et on s’enfonçait jusqu’aux genoux, malgré les raquettes. Bref, il nous a fallu un moment avant d’arriver au pied du dernier coup de collier, à 150 m de dénivelé du sommet. Et là, le vent. Putain de vent. Il avait perdu 10 degrés en une heure et gagné 50 km/h.
Cette fois on n’a pas discuté longtemps avant de prendre la décision de faire demi-tour. Chacun inventant sa propre ligne parfois au péril de son nez, pour rejoindre les Cortalets. La neige était toujours aussi piégeuse, mais ça descendait. Hein Didier ? Le temps de plier les affaires au refuge et nous avons pris le chemin du retour, Didier sur ses skis, la piste était largement assez couverte pour qu’il descende presque jusqu’au refuge de Balatg, et moi à vélo, après avoir descendu la pression à 0,6 kg dans les pneus, j’ai pris un pied de dingue en roulant dans la neige sans quasi poser le pied. Sinon pour regonfler mon pneu crevé. Et oui, il n’y a que moi pour crever dans la neige…
Au final, on a encore passé 24 heures terribles, mélange de difficultés, de camaraderie, de franche rigolade, de calme, de fraîcheur et de paysages à s’en gaver les œils… Et je ne peux m’empêcher de me dire, en concluant ces lignes, que si nous ne parvenons pas au sommet, c’est juste pour avoir une bonne raison de recommencer. Vivement cet hiver !
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