Un Barbet pas barbant

Le Barbet me faisait de l’œil. Depuis longtemps. Depuis chez moi. Depuis tous les endroits où je roule en fait, il est tout le temps sous mon nez et me nargue de sa superbe. Je l’ai vu de près pourtant, à pied, mais l’envie d’y poser les roues m’accompagnait depuis que d’autres s’y sont essayés. Mais pour aller là-haut, il faut une dose certaine de confiance en soi. Parce que c’est une tannée. Vous me direz, ce ne serait pas la première. Ce n‘est pas faux, mais je ne sais pas pourquoi celle-là m’intimidait. Peut-être pour l’avoir déjà parcourue à pied ? Possible. Il fallait un bon compagnon pour cette aventure et François était chaud patate. Il faisait beau en fin de saison, nous mettons donc notre dévolu sur les premiers jours d’octobre. Cerise sur le clafoutis, on combine ça avec la venue des amis de Montpellier Loïc et David qui nous rejoindront sur la trace. (Loïc était de ceux qui avaient manqué « la bifurque qu’il ne faut pas manquer » lors de la Torgnole à l’Estanyol du mois de juin. Il avait une revanche à prendre et ça tombait bien puisque nous repassions par là). 

Le Barbet ? C’est la crête à gauche du sommet du Canigó.

Bref. Je décide, pour limiter les manips de bagnole du lendemain de laisser la mienne à Vinça où je prends le train pour rejoindre François chez lui à Prades. De là, nous monterons en voiture au col de Jou, point de départ de la balade. L’idée du jour c’est de monter peinard au refuge de Mariailles, en guise de marche d’approche, d’y dormir et de partir au petit matin pour accomplir notre grand destin du jour, un bon plus 1 000 mètres de dénivelé tout ou presque en poussage ou portage et la bagatelle de 2000 mètres de dénivelé négatif derrière, dont 75 % sur single. Vous avez dit tentant ?

La première surprise, c’est que nous avons rallié Marialles rapidement, bien plus vite que dans mon souvenir en tout cas malgré les pentes infernales de la piste, entre le col de Jou et le Randé puis après le Randé. Ceux qui sachent savent comment c’est raide. Il nous a fallu moins d’une heure et demie pour avaler les 700 mètres de dénivelé. De bonne augure. Une petite bringue plus tard, on ne se refait pas, dans l’ambiance chaleureuse du refuge et nous voilà au plumard dans le dortoir.

Au petit matin, il fait frais. Alors on part tôt mais couvert. Les premiers hectomètres, sur le vélo, sont tendus, c’est mouillé et nous ne sommes pas bien réveillés. La passerelle sur la Lipodère franchie, nous voilà pied pour un moment, presque jusqu’au sommet. Il n’y a qu’une portion qui se roule tant bien que mal, quand la trace quitte le GR10 pour rejoindre le refuge Arago et le Pla de Cady, plus une seconde au-dessus de la cabane, mais il faut avoir des jambes d’acier. Nous avançons en poussant nos vélos, sans trop parler, sans râler non plus. Il faut faire l’escargot, ou la tortue, rentrer la tête dans les épaules en attendant que ça passe. Au bout de trois bonnes heures nous voilà au pied du mur de la Porteille de Valmanya. C’est pas que ça fait peu mais ça fait travailler le ciboulot ces épingles quand on est au pied.

Les randonneurs que nous avons croisés ou doublé ou qui nous ont doublés se demandent à quels tarés ils ont affaire. Laurent, le gardien du refuge de Marialles, nous rejoint au pied de la Porteille et se marre tout seul. Lui aussi se demande si on est correctement câblés avant de filer sa route en courant dans le pierrier. Bref. Après quatre heures d’effort, à peu près, nous arrivons à la crête du Barbet. Une brèche nous permet de basculer du bon côté.

Et là… C’est le panard. D’abord il y a la vue. Un 250 degrés, de la montagne à la mer. Puis la trace qui file, ténue dans la pelouse parsemée de pierres, une ligne de vie sur la crête, puis les épingles qui finissent par disparaître dans les rhodos. Pas besoin de rouler vite, il faut profiter de cette petite demi-heure exceptionnelle. Le ride n’est pas difficile, la trace est parsemée de cailloux qui bougent mais rien de rédhibitoire. Ce morceau est un de mes plus beaux souvenirs. Vraiment. 

Un moment de vélo de toute beauté

Mais l’heure tourne et nos amis déjà doivent nous attendre à Prat Cabrera. Nous effaçons le refuge des Cortalets où est garé un troupeau de vélos électriques pour nous jeter sur la piste. Nous descendons à grande vitesse pour les rejoindre, avec grosso modo une heure de retard, eux qui viennent aussi de réaliser une première, s’envoyer plus de 1200 m e dénivelé d’un seul bloc sur la piste du Llech. Et nous repartons pour en finir avec ce GR36 qui nous offre, comme à chaque fois, son lot de plaisirs, de défis, de frayeurs et de fatigue. À condition de ne pas manquer la bifurque. Mais nous aimons cela et pire, nous y prenons plaisir.

On n’a pas manqué la bifurque

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