Queyras – jour #3 N’en jetez plus !

C’est quand il a fallu se déplier le troisième jour que les choses devinrent sérieuses. Nos cuisses nous le dirent d’emblée avant même le petit-déjeuner copieux. Comme la veille, nous décidons de filer à l’anglaise (même si Simon nous a fait faux bond ce coup-ci) et de laisser deux heures d’avance à Damien et e-Didier. Nous décampons, laissons de côté une coupe (bien nous en a pris) pour suivre la trace fournie par Cyril pour s’extraire du village. Rapidement. Par le haut. Là où ça fait mal. Par la route. Et au bout de la route. Le portage.

On est partis depuis 10 minutes, on a avalé 100 mètres de dénivelé et nous voilà, au bout de la route, déjà pied à terre, vélo sur le dos. On se dit, à ce moment-là, que la putain de journée va être longue. Ce n’est pas comme si on avait encore 1 500 m de dénivelé devant nous avant de rejoindre le pied de l’Izoard. « Mais c’est roulant » avait dit Cyril.

Tu ne m’en voudras pas, mais cette première demi-heure, Cyril, a le don de foutre le bourdon. Qu’importe. On porte. On serre les dents pour finir par toucher le sentier à plat qui nous permet de rouler, mais chaque coup de cul fait déjà mal aux cuisses. Nous visons Château Queyras en espérant pouvoir y faire une pause-café avant la grande explication du jour. Nous touchons la pépite du jour. Un sentier comme on nous les a vendus depuis trois jours en fait, pas un seul caillou ou presque, de la terre, pas trop de pente et on file comme des idiots jusqu’en bas. C’est marrant. On a plus mal.

C’était bien, le moral a repris des couleurs pendant que nous rejoignons le village par la route. Et là, Corneille nous attend. Il y a la grande route à droite, et la petite, qui rentre dans le village, à gauche. On se dit que les cafés sont à gauche. On ne sait pas encore qu’il n’y a pas vraiment de café dans ce patelin. Ni que le chemin que nous avons pris nous met littéralement au pied d’un mur, un genre de mur de Huy pour cyclos fatigués. Et nous poussons. Humiliation suprême. Nous poussons sur le goudron. Heureusement, nous n’avons pas croisé d’âmes vives dans le patelin et fûmes les seuls et unique spectateurs de notre naufrage. Et il n’y avait pas café, sinon une pizzeria, La Pause du Viandante, dans laquelle Didier s’est engouffré, il est 10 heures, pour savoir si on peut avoir un petit noir. Il manque de tuer le patron d’une crise cardiaque, qui, sans rancune, accepte de nous servir avec le sourire et la bonne humeur.

Mai ce n’est pas tout ça. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres et en l’espèce, la bouche est loin ! Nous avons devant nous une dizaine de kilomètres et 1 000 mètres à grimper. Sur la route, je lâche rapidement Didier, chacun montant à son rythme. On s’attend de loin en loin. Pour tuer le temps je pense à Bahamontès, Coppi et Bartali qui ont dû s’employer dans les pentes des vallées alentour. Il y a longtemps. Je m’attends toutefois à voir déferler sur nous l’aigle catalan et e-Didier, mais pour l’instant, je roule seul jusqu’à un patelin paumé à flanc où l’on va changer de vallée. J’attends Didier et c’est là que nous sommes rejoints. Nous quittons la route pour nous engager sur la piste qui doit nous conduire presque jusqu’au point haut de la journée. C’est difficile, il y a des coups de cul, la pente se fait raide, le sol est défoncé par endroits. C’est le moment de rentrer dans sa coquille et d’attendre que ça passe.

À la bergerie, « c’est presque plat jusque-là » qu’ils nous avaient dit, foutaises, nous faisons une pause, cassons une croûte, il fait frais. Puis je file devant, bien décidé à en finir avec cette ascension qui fait taper le cœur dans la poitrine et brûler les artères dans les cuisses. Comme si elle m’avait entendu, la pente se fait moins raide. Il n’y a guère que dans les épingles, une ou deux, que j’échoue à rester sur le vélo. J’ai le temps de regarder le paysage, ces couleurs incroyables que Damien nous avait vendu au long du voyage, les arbres, les crêtes, les oiseaux. Nous nous hissons jusqu’à la seconde bergerie pour toucher le sentier, la récompense de cette belle journée. Et le plus beau est encore à venir… Mais nous ne le savons pas.

Qu’est-ce donc que nous avons à glisser sous nos pneus ? Rien de mieux qu’un sentier de roi, une trace qui ondule dans l’herbe d’abord, permet de filer mais aussi de regarder le paysage, il n’y a pas de malice dans ce chemin, c’est reposant, on jouit du confort, même en semi-rigide, on se laisse filer jusqu’à entrer dans la forêt. Heureux que les moustiques aient déserté le coin à cause de la fraîcheur, nous aurions sinon engrangé notre portion hebdomadaire de protéines tellement nous avions la banane. Puis vint la forêt, ses décrochages parfois abrupts pour nous ramener illico à la réalité des limites de notre pilotage, les épingles serrées pour nous rappeler que la gravité n’est pas une vue de l’esprit, n’en déplaise aux platistes… Puis le village que nous avons traversé la banane aux lèvres, la liaison par la route, puis la piste dans la forêt, Didier lâché, épuisé. Le bavardage avec ce type et son VTC, parti d’Ardèche et en route pour Nice qui faisait sécher son linge sur une table de pique-nique. La dernière descente, avalée comme si c’était la première de la journée. Et pour finir de rincer les Didier une ondulation sur un beau sentier plein de petites montées pour finir de vider la batterie de e-Didier et le moral de Didier. On a fini rincés mais heureux, en bas du sentier. Mais sans savoir que cela ne faisait que commence et qu’il y aurait (encore) du Châteauneuf-du-Pape pour accompagner l’excellent dîner !

Nous étions ce soir là logé dans l’excellente Ferme de l’Izoard. Belle table, grand confort, ping-pong et jaccuzi !

Vous avez manqué le jour #2 C’est là. Vous voulez lire le jour #4 ? C’est là.

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