Il commence de faire froid le matin, surtout quand on prend un peu d’altitude. Nohèdes est une bourgade presqu’encore endormie quand nous arrivions avec Jlio sur le coup de 9 h, au rendez-vous des bons amis. Le programme est simple, c’est ON/OFF. Montée depuis le village par la piste au Col du Portus, puis full gaz vers Olette par le Cami Ramader ensuite. Le Cami Ramader, vous vous souvenez ? La descente du Madres au printemps dernier. Ben voilà.
Donc nous sommes 5 à nous élancer sur la piste sèche dans la longue ascension qui mène au Portus, un genre de + 800 mètres d’un bloc, avec à cette saison, la neige, forcément (tiens, on avait déjà donné d’ailleurs, triste jour). La seule inconnue était l’altitude à laquelle elle allait se glisser sous nos pneus. Et ce fut finalement assez vite, un peu au même endroit qu’en janvier, mais en plus grande quantité. Nous avons pu rouler un bon moment, laissant des watts à tour de bras, dans les ornières laissées par les quelques voitures qui se sont aventurées jusque là.
Il fallait être vigilant, ne pas lever les yeux pour regarder en contre-bas, ni tenter de deviner à quel animal les traces que nous longions appartenaient, veiller à rester dans la trace la plus récente, celle qui était blanche, plutôt que de s’enquiller dans la trace la plus nette, noire glacée qui rêve de t’envoyer au tas en deux temps trois mouvements.
Non, rester dans la trace blanche, celle dont la petite croute de glace faisait crunch sous les crampons tout du long, mais qui permettait de monter. À la fin, il a toutefois fallu se rendre à l’évidence. Après un petit casse-croûte au soleil pour mater la plaine planquée sous les nuages comme le fainéant sous l’édredon, il nous a fallu marcher. Un bon moment. Jusqu’au carrfour qui permet de rejoindre le réservoir, c’est encore allé. Ensuite, pour la dernière centaine de mètres de dénivelé à prendre pour atteindre le col, nous avons eu de la chance de pouvoir mettre nos pas dans les empreintes de raquettes laissées par deux randonneurs cheminant visiblement de conserve. Parfois, nous nous enfoncions quand même, nous avons aussi porté le vélo pendant quelques centaines de mètres, quand il devenait trop dur de le pousser, quand la neige était trop molle le porter.
Au Portus, sous le soleil, c’était magique. La neige alentour, nous pouvions souffler, manger un morceau et nous lécher les babines de ce qui nous attendait, 1100 mètres de dénivelé à perdre…
Un bref coup d’oeil dans la pente et mon intuition s’est révélée bonne. Sur ce versant sud la neige n’avait pas autant tenue que sur le versant Est, Nord-Est que nous venions d’escalader. Il restait de la neige, par grosse plaque en travers de la trace, mais rien de rédhibitoire, nous allions pouvoir dévaler à pleine balle.
Nous sommes vite arrivé au refuge de la Moline et son replat couvert de neige, pour rencontrer un maigre groupe de randonneurs au terme de sa sortie et prêt à sortir le pique-nique. Nous avions faim aussi, mais de single. Après quelques photos dans la neige, nous nous sommes élancés sur la trace. Et quelle trace ! Cherchant un peu au départ pour deviner le sentier sous la neige, nous finissons par mettre la main dessus. La première partie, très typée montagne, est parfois encombrée d’une mince couche de neige, quelques centimètres, ramollie par le soleil et la douceur, rien qui empêche de rouler.
Puis la neige s’estompe, le soleil se fait plus généreux entre les arbres. On relève les manches parce qu’il fait chaud et surtout on profite. C’est assez inouï de rouler le Cami Ramader ainsi au mois de décembre en partant de 1800 mètres. Ce chemin, comme tous les autres à porter ce nom dans les Pyrénées-Orientales, est un chemin de transhumance, qui permet aux bêtes de la plaine, des vaches aujourd’hui, de rejoindre la forêt et les pâtures d’altitude durant l’été. Ce sentier est donc aménagé, large, soutenu par des terrasses, j’imagine que des charrettes pouvait y monter. Avant de parvenir à cette portion pas congrue, pour le coup, il faut se faufiler dans la forêt, ça roule vite, très vite et on se régale des quelques épingles, jouant à se faire des intérieurs de folie, la banane accrochée à la jugulaire du casque.
Ce Cami ramader d’Olette, il en existe d’autres dans le secteur qui avaient donc la même fonction, est un sentier magique, beau, sans grande difficulté technique, ne nécessitant pas d’engagement démesuré, mais il est piégeux, voire dangereux par endroit. Emporté par son élan, Jlio laissera en offrande une patte de dérailleur sur un petit rocher saillant dans une mini compression au cœur d’un bout droit où l’on ne touche pas les freins. Fabien, plus bas, laissera son pneu dans un des pierriers de schistes qui rendent l’aventure palpitante.
Ces sections de pierres légères et coupante ne sont pas aisées à rouler, on peut y laisser des plumes si l’on chute, et des pneus. Entaillé sur trois bons centimètres, le pneu de Fabien, ainsi que la chambre à air coupée tout pareil, faisaient peine à voir. On a sorti la boîte à miracles. Un bout de chambre à air, de la glue, pour faire une réparation de mauvaise fortune et bon cœur. Le truc devait tenir les trois quatre derniers kilomètres qu’il nous restait à dévaler sur le sentier, plus la dizaine de bornes pour rejoindre la voiture à Villefranche, #défi.
Mais l’affaire fit l’affaire et tint jusqu’à Olette puis Villefranche. Débouchant du sentier à Evol, la banae toujours accrochée au casque, nous avons suivi la route pour aller chercher l’entrée du sentier menant à Olette. Un bout droit très rapide sur lequel toute satellisation est proscrite. Ça monte, ça descend, c’est sympa, j’ai manqué de m’en coller une belle tout seul comme un grand à 200 mètres d’Olette, mais nous sommes finalement tous parvenu à bon port, en bon ordre.
Bref, c’était pure gourmandise que de monter là hier, début décembre, de rouler et marcher dans la neige. Mais la gourmandise est un moteur extraordinaire. On recommencera.
2 Responses to Cami d’hiver (idée bêtement stupide)