Fin d’été, enfin, la rentrée approche, le temps libre va se réduire à peau de chagrin avec le retour aux tâches qui nous nourrissent. Et toujours cette manie, peut-être comme les marins, de chercher de nouvelles voies, de partir sur des traces peu fréquentées par les vélos, la patte de dérailleur au fusil. Comme si nous n’en avions jamais assez. Ou comme si le vélo nous permettait d’aller plus vite, plus loin, qu’à l’aide de nos simples pas, comme si gourmands nous étions du monde alentour.
Donc là,l’idée était née comme souvent d’une sortie récente, parce que nous sommes un peu frappés en effet, toujours à renifler un nouveau sentier, toujours à combiner un itinéraire comme les pièces d’un puzzle infini.
En regardant la carte au retour de Mantet, on avait vu qu’il y avait un truc à faire, en partant de plus haut pour aligner plus de 1500 m de D-, ça valait le coup d’essayer. À 7 h 15 nous étions sur le vélo à 1800 m, au col de Mantet et démarrer par de la grimpette à cette altitude ça fait toujours bizarre. Le programme était simple, une bonne ascension sur piste en deux temps pour arriver à 2200 m, puis un parcours en crête, ou presque, pour atteindre 2400 m et basculer dans le d-. Simple.
Nous avons avalé les 15 premiers kilomètres pour arriver à 2200 sans nous soucier des lendemains, en 1 h 45 pauses casse-croûte et photo comprises ! En haut c’est beau, la vue est quasi panoramique, jusqu’aux montagnes Andorannes d’un côté, de l’autre, la mer, les Albères, le massif de Montseny… Nous nous arrêtons le temps de souffler, grignoter un morceau, puis nous enquillons les Esquerdes Rotja, par le chemin balisé.
C’est là qu’était notre inconnue du jour. Nous ne savions comment ça roulait. En fait, ça roule assez bien. La trace est assez bien marquée une fois qu’on l’a trouvée, mais c’est balisé. La première partie roule bien et vite, on perd un peu d’altitude, avant d’arriver dans un merdier sans nom qui oblige à porter et pousser quelques minutes, le temps de traverser et retrouver la trace.
Ensuite, ça roule encore plutôt bien, à condition de sortir de la trace et d’anticiper suffisamment pour éviter les écueils du sentiers. Et ça monte. Sur la crête, entre les Esquerdes, on aperçoit le paysage, on commence d’entendre les marmottes, au loin.
On s’arrête pour regarder le paysage, pour prendre quelques photos, c’est une traversée de rêve, qui nous conduit vers l’autre crête que nous avons en ligne de mire en permanence comme une tentation supplémentaire, s’il était besoin. À la Porteilla de Rotja, qui surplombe la source de la rivière éponyme, nous jetons un œil de l’autre côté de la crête à une trace qui file tendue pour s’enrouler lascivement dans la courbe de la vallée, promesse pour plus tard (à bientôt Costabonne !).
Puis nous attaquons le portage, l’ultime grimpette un peu sèche dans les pierres blanches pour arriver à la Mort de l’Escoula et se poser, face au monde, pique-niquer un peu après 4 heures d’efforts, des étoiles dans les yeux. Nous étions là à manger un morceau, le Canigou à main droite, le reste des Pyrénées à main gauche, et au milieu, un cap pour aller chercher 1500 m de descente. Une fois en haut, la trace s’évanouit, disparaît du regard, se fond dans le plaisir à venir. Bref, nous avions encore envie, grave.
La première partie de la descente ne descend pas en fait, ça ondule plus exactement, un bon moment, au milieu des blocs de pierre, dans l’herbe rase. Ça file, c’est bon.
Puis, au virage à gauche, on entre de plain-pied dans le très bon. Vite dans l’herbe au début, puis dans la forêt, blocs de pierre, racines, grip parfait sur le sentier sec, brutales ruptures de pentes, « rock garden » pour mettre un peu de piment, ça ne passe pas partout à vue pour nous, mais il y a de quoi se faire du bien, comme la cerise du Paris-Brest qu’on conserve sur le bord de l’assiette pour la fin avec le café.
Au col à Mantet, pas de répit, nous plongeons direct dans la vingtaine d’épingles qui font l’entame de la descente du GR10 vers Py (déjà raconté là). Le reste n’est que bonheur, la trace est sèche, c’est la deuxième fois que nous la prenons, les marcheurs sont repartis vers la ville, la trace est à nous et nous en exploitons jalousement chaque instant à notre unique profit. Jusqu’en bas, au village, en sueur sous la chaleur d’août finissant, les bras douloureux. Heureux.
4 Responses to Il y a du vice là dedans, ce n’est pas possible autrement