Bien joué.

La neige n’avait pas daigné descendre jusqu’au village comme si l’hiver, paresseux, avait cantonné son job au haut des vallées et aux sommets alentours. La neige d’ailleurs, ces dernières années, se faire désirer, attend l’orée du printemps pour montrer ses flocons et tapisser les bas-fonds de la montagne de blanc. Souvent d’ailleurs une neige de printemps, lourde, collante, qui fond presque aussitôt à peine tombée sur le sol déjà chaud qui voit pointer les asperges par millier en plaine.

Le vent soufflait la neige

Il faut donc s’armer de patience, guetter la météo pour déceler les fenêtres favorables comme ce fut le cas au tout début du mois de février pour Nico et moi. Le plan ? C’était assez simple, aller se caler dans un refuge, attendre la neige, puis profiter de la poudreuse pour une partie de raquettes magique. Alors bien sûr, comme nous ne sommes pas des habitués de la montagne quand elle est parée d’hiver, il fallait trouver un endroit qui ne présente pas plus de risques que celui de se tordre une cheville… Du côté de Mantet, le refuge de l’Alemany était tout indiqué, qui nous permettrait de rejoindre la porteilla de Mantet, au-dessus de la station de Valter 2000, et plus, le pic de la Dona, si affinités.

Sacs lourdement chargés, correctement arrimés, nous nous glissons un vendredi midi dans la vallée. Le temps est gris mais il ne fait pas froid, même à 1500 mètres d’altitude. Le chemin s’élève doucement une fois passé le torrent, c’est une portion du GR10 que nous allons suivre jusqu’à toute proximité du refuge, pas moyen de se tromper.

Les sacs nous scient les épaules mais nous avançons bon rythme jusqu’à croiser des cheveux chevaux, à mi-pente, pas farouches qui viennent même chercher une caresse (à moins que ce soit, probablement plus prosaïquement un truc à grailler…). Nous sommes assez vite au refuge, il nous a fallu deux heures pour avaler tranquillement les 4 kilomètres et 500 mètres de dénivelé au menu du jour. Maintenant, il faut s’installer, ouvrir les volets, allumer le feu et manger un morceau. Le refuge est surveillé une fois par semaine par les agents de la réserve naturelle de Mantet qui viennent ajouter un peu de bois. Nous sortons avec les scies pour compléter et surtout trouver des morceaux un peu plus gros que les branches qui servent à allumer le foyer. L’après-midi s’étire à ces tâches, je lis aussi devant le feu, pendant que les nuages s’amoncellent dehors comme s’ils fuyaient l’arrivée de la nuit. Le grésil s’impose juste avant le crépuscule, nous nous claquemurons près du feu, préparons notre dîner et filons dans nos sacs de couchage sur le coup de 22 heures.

Au petit matin, la neige tombe encore dru. Les flocons ne sont pas bien gros mais ils s’abattent sur le paysage avec insistance. Nous faisons le choix d’attendre que cela cesse avant de nous élancer. Le temps de rallumer le feu, de ranger le refuge au cas où nous serions rejoints par d’autres, en raquettes ou en ski, et nous prenons la direction du sud alors que le soleil pointe le bout de son nez avec la tramontane sous le bras. La neige n’est pas très profonde, enfin, tout dépend des endroits. Le vent de sud a soufflé toute la nuit et la neige a glissé. Dans les endroits exposés aux bourrasques, nous avançons sur la vieille neige gelée et croûtée, dans les endroits protégés, nous nous enfonçons jusqu’au-dessus des chaussures, parfois plus.

Nous pouvons cependant progresser facilement, en faisant fi, c’est l’avantage de la neige, du sentier, du balisage. Nous avançons selon l’envie, à l’azimut, la porteilla n’est pas très loin, moins de trois kilomètres. Nous finissons par déboucher sur la jasse qui occupe tout le fond de la vallée, la pente y est moins raide, les arbres ne poussent plus à cette altitude dans ce coin et la neige est soufflée. Nous nous regardons pour savoir si le jeu vaut la chandelle de poursuivre… À dire vrai, il fait assez froid… Mais puisqu’on est là, autant traverser la jasse et aller jusqu’au pied du col… Une fois au pied du col, on se dit que ce serait dommage d’en rester là, pour 150 mètres de dénivelé… Au col, le vent violent souffle la neige et créée au ras du sol comme une espèce de brume légère et agitée. Nico s’engage dans le couloir, je préfère m’appuyer sur le sentier dont on devine le cheminement sur le côté gauche de la faille pour déboucher au col à 2 400 m.

Une fois en haut, nous profitons de la vue, vers le sud, sur le Gra de Fajolle, la station de Valter, vers le nord sur toute la vallée que nous venons de remonter. Le refuge est à 2,5 km en contrebas. Et comme il fait froid, nous ne traînons pas. Un jeune couple venu de la station s’engage sur le plateau gelé battu par la tramontane mais pour nous c’est assez, nous irons au Pic de la Dona, 300 mètres plus haut, une autre fois.

Nous nous laissons glisser dans la vallée, le vent se fait plus discret, nous nous interrogeons sur ces traces que nous avons aperçues en montant pour finalement trouver deux autres randonneurs catalans dans le refuge. Un troisième, français celui-là, nous rejoindra un peu plus tard. Le repas pris, retour dans le sac de couchage pour une bonne nuit (meilleure que la première, il fait neuf degrés dans le refuge quand le feu tourne à plein). Le matin, nous laissons nos compagnons partir, les uns sur le chemin du retour de Valter, l’autre au diable peut-être, remettons le refuge en ordre et descendons tranquillement vers la plaine. 

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