Voilà. L’heure est venue de mon coming out. Je n’ai rien à foutre du vélo. Le vélo m’emmerde. Je l’emmerde et il me le rend bien avec ses tracasseries mécaniques auxquelles je ne pompe rien. Non, je n’aime pas le vélo. Non, la barbe et la chemise à carreaux ne me poussent pas quand on parle vélo.
Non je n’aime pas avoir mal aux cuisses en emmenant des développements surdimensionnés. Non je n’aime pas la sueur qui me coule le long du dos jusque dans la raie pour aller niquer l’effet salvateur de la peau de chamoix pour me brûler le cul jusqu’au sang. Je conchie le vélo. Et je conchie les cyclistes bêlant sur Strava. Non, j’emmerde le vélo, de Bernard à Joop, d’Eddy à Jacques et tous les autres #idoles pourtant. C’est Nicolas Bouvier qui écrit quelque part que finalement qu’on ne fait pas un voyage, que c’est le voyage qui nous fait. C’est cela. Le vélo n’est ici pour moi qu’un outil, un moyen, pas un fin en soi. L’outil idéal pour allier découverte et sport, ouvrir des horizons intouchables simplement à pied, par la distance parcourue au moins…
Oui, j’avoue, j’aime l’effort, quand il est mesuré, et non à l’aune d’une performance, mais comme quand il est partagé. Partagé avec les amis, qui savent t’attendre si tu es le boulet du groupe, ou que tu attends si c’est un autre qui en difficulté. J’aime l’effort s’il apour but autre chose que la sueur, une image, un paysage, un sourire, une tape sur l’épaule, la satisfaction d’avoir triomphé d’un de ces challenges quotidien, la perspective du plaisir à venir, la tête dans les nuages, le soleil qui brûle, les pieds dans l’eau fraîche des torrents… Qu’importe, il suffit que l’effort soit partagé, la plupart du temps.
Reste ceci. Le voyage nous fait. Lorsque nous montons au Madres, l’expérience physique n’est pas notre credo. Nous perdons du temps à nous noyer dans les paysages à la place. Chaque instant passé sur le vélo est aussi un voyage en soi avec les autres. On parle, ou pas. On blague, ou pas. Sur les pentes de Mariailles dimanche on ne parlait pas beaucoup. L’important c’est d’être là. Et de collecter à longueur de chemin les perles qui feront de chaque sortie un trésor. Un troupeau d’Isards, des chevreuils à rebrousse-poils dans le sentier, la caresse du soleil sur l’envers de feuilles des arbres en soirée, jusqu’au piquant des plantes qui vivifient tes mollets ensanglantés. Pourvu que le plaisir de pénétrer la nature soit là. Et que tu puisses le partager avec d’autres. Je ne suis définitivement pas cycliste. Tu viens Paulette ?
« Quand on approchait la rivière on déposait dans les fougères nos bicyclettes, puis on se roulait dans les champs faisant naître un bouquet changeant de sauterelles de papillons et de reinettes. »
Voilà. C’est dit.
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