J’imagine bien Perec. Sa tentative d’épuisement d’un lieu parisien, notant chaque détail dans une course infinie et perdue d’avance à l’exhaustivité. C’est un peu ça. Jeudi, nous sommes allés faire un tour pour finir, croyais-je, de connaître un long segment de la vallée de Baillestavy, juste au pied du Canigou. Un point final voulais-je mettre.
Au final, je suis rentré guère plus renseigné et nous avons fait 10 km en trois heures. Un must. Il y avait au programme d’abord la recherche de l’entrée d’un single que nous avions déjà exploré il y a quelques semaines. Au bas d’une très chouette descente nous avons pris à droite en suivant avec scrupule les indications du GPS et de la carte IGN.
Pour dénicher finalement l’entrée un peu perdue que nous avions manquée la fois précédente. Les buis avaient fait leur œuvre, leur capacité à obstruer le paysages par la densité de leur feuillage s’étaient emparé du trait caractéristique du sentier dans la forêt. Sortant les sécateurs et la scie, nous avons nettoyé un bon bout du sentier des branches et troncs pourris qui l’encombraient, probablement jusqu’à la moitié du parcours.
En allant même, cela arrive, jusqu’à retracer un bout dans les feuilles sous les chataîgners pour éviter de belles mais vieilles épingles envahies par le buis, il faudra y revenir. Puis nous avons fait demi-tour pour retrouver les vélos un peu plus bas, nous avons poussé sur deux traces partant dans une épingle, sur un dos de la montagne, pris les relevés GPS et mis ça dans la besace des “trucs à voir un autre jour”, mais sans vélo, ça a l’air assez bouché.
Une fois aux vélos, nous sommes partis en quête de l’idée stupide du jour, un bout de trace fuyant dans l’herbe, un peu en surplomb de la rivière, promesse de quelques kilomètres de ride doux à l’ombre des arbres et dans le glouglou de la Lentilla. De ride doux, finalement nous n’avons touché que quelques dizaines de mètres, mais avons poursuivi avec l’obstination des gourmands qui espèrent toujours qu’un peu plus loin ils seront comblés. Au départ, l’affaire est jolie, un ptit single à peine marqué, trialisant dans l’herbe et la caillasse, qui nécessite un peu d’attention et de jus. Puis assez vite finalement, il faut porter le vélo pour reprendre un peu d’altitude par rapport à la rivière , la trace s’évanouit dans l’herbe, les orties sont attentives et ne ratent personne.
La trace s’élève encore, se rétrécit, se lance dans des soubressauts scabreux, petit fil le long d’un bloc de roche, passage sous les arbres vautrés avec conscience, tout le registre du sentier mutin y passe.
La progression se fait essentiellement à pied, en poussant ou portant le vélo. Jusqu’au moment où l’évidence nous a barré la route. Au terme d’un court conciliabule, d’une consultation de la carte IGN sur nos GPS, nous décidé de poursuivre en traversant la rivière. Chose qui, en cette saison de fin de fonte des neiges, nécessite de trouver le passage la plus adapté pour éviter de partir au fil de l’eau avec le paquetage. Et nous voilà, radeaux de la méduse, posant nos pieds avec précaution entre les pierres glissantes, de l’eau jusqu’au dessus des genoux, au milieu de la Lentilla…
De l’autre côté, en dépit de notre bonne humeur, la situation n’était guère plus glorieuse. Impossible de remonter dans la pente pour rejoindre la route une centaine de mètre de dénivelé plus haut, les buis denses réduisant à néant cette solution pourtant mal fagotée. Nous avons donc continué, cahin-caha, tels des Rahan d’opérette le long de la rivière devenue sauvage, manquant parfois de finir dans l’eau sur les roches glissantes nous accrochant dans les branches. Jusqu’à ce que. Jusqu’à ce que la décision de remonter chercher la route s’impose d’elle-même. Nous ne pouvions plus aller de l’avant et faire demi-tour… C’est un pierrier, enfin, un chantier sans nom, qui nous offrit l’ouverture décisive dans la défense du buis. De gros blocs de roches rougeâtre amoncelés sans fioritures en guise d’escalier, nous avons escaladé, vélo sur le dos, nous glissant sous les arbres, nous assurant d’une main, parfois même deux gardant le vélo en équilibre sur nos dos pour franchir un passage plus tendu. Et puis, il a fallu escalader. Organiser des chaînes, se poster à intervalles réguliers dans le chaos de pierre pour se passer les vélos que nous ne pouvions plus monter seuls…
On dit souvent que c’est au pied du mur qu’on voit le maçon, là on a vu les idiots mais des idiots solidaires ! Au terme d’une bonne demi-heure de bataille insensée contre la pente, Cédric a fini par trouver une ouverture par une voie pourrie à droite dans les ronces et les orties, pendant que nous progression dans une voie à gauche, sous le surplomb rocheux qui nous barrait la route. Nous rejoignant, il a pu ainsi effectuer le dernier relais pour sortir les vélos de ce merdier, et nous permettre de nous extraire de la falaise. C’était ce qu’on appelle, pour le moins, d’un mauvais pas sortir par le haut ! Soulagés d’avoir pu retrouvé la route, l’heure nous a rappelé à l’ordre. Trop tard il était pour envisager continuer, nous avions perdu trop de temps dans ce jardinage sauvage.
Je sais maintenant que non, ça ne passe pas par là. Reste à aller voir les traces aperçues plus haut en espérant qu’elles déboucheront sur de jolis trucs. Pour l’épuisement du lieu, il faudra repasser mais ainsi était notre jeudi, bien nommé, de l’Ascension. Promis, à Pentecôte, je ne sors pas le vélo !!
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