Je ne vous parlerai pas de Bertrand-Demane dans ce papier, mais bien de l’accomplissement d’une idée, d’un empilage de petites idées qui finissent par nourrir de jolis rêves. Et de comprendre que parfois patience il faut avoir. Que finalement ces rêves nous mettent un peu dans la peau de l’alpiniste qui parfois doit renoncer, tenter de nouveau, avant de parvenir à toucher ce sommet qui l’empêche parfois de dormir au long de nuits fiévreuses.
Bref. Nous avions déjà parcouru le secteur et je savais qu’il y avait quelque chose à faire en alignant toutes ces traces. Nous avions déjà tenté l’affaire juste avant l’été, sans succès, et je comptais bien cette fois avec Philippe, Carlos et Benjamin, toucher au but.
Rendez-vous tôt à Villefranche-de-Conflent -nos amis anglais prévus pour la sortie nous faisait faux bond après avoir par contre bondi par dessus le réveil- nous organisons la navette vers le col de Mantet, notre (habituel) point de départ. Un départ frisquet en diable, il ne devait guère faire plus de 7 ou 8 degrés à 1800 mètres. Les nuages roulaient au loin sur les sommets sans êtres plus menaçant que cela pour nous permettre de partir la fleur au tubeless avec l’insouciance des passionnés.
La montée vers la Collada des Roques Blanques s’effectue comme d’habitude sans peine apparente, nous sprintons parfois avec les vaches Gasconnes qui peuplent les pacages semés de grosses dalles. Au col, c’est la douche froide. Vers l’Est et le Sud les nuages batifolent mollement d’une vallée à l’autre sous un soleil voilé, mais de l’Ouest nous arrive une pluie légère mais froide.
Cette incertitude glaçante allait nous accompagner pendant toute la traversée jusqu’à Pla Guillem et son cirque étonnant, la découverte d’un nouveau bout de single (faudra retourner) et le début des ennuis pour Carlos avec une Reverb neuve bloquée en position haute. Ce qui, compte tenu de la suite, était pour le moins emmerdant. En quelques minutes nosu avons vu la pluie engloutir le Tres Estelles et lorgner sur nos abbatis avec gourmandise. Nous ne traînons pas, cherchons quand même un meilleur passage que le sentier de randonnée pour rejoindre la Croix de Lipodère, sans succès, avant de nous engouffrer dans la descente et la forêt en même temps.
Les deux cent mètres de dénivelé perdus, le vent escamoté par on ne sait quel miracle de la géologie, rendaient alors le ride agréable à flanc de montagne et dans la forêt, c’était bien bon à rouler avec un sol un peu humide pour un meilleur grip. Nous avons fait feu jusqu’au bas de la descente sans trop prendre le temps de bavarder, trop occupés que nous étions à profiter de chaque mètre de single.
Juste quand même, pour moi, le temps de m’en coller une dans une partie en dévers sans grip, Benjamin avait tout pris en passant devant, que j’ai terminée debout en contrebas du single mais toujours avec le vélo entre les cuisses. En bas, il fallait remonter et cette fichue grimpette sur la piste entre le parking du Randé et le refuge de Mariailles fait bien mal aux guiboles. Le temps de manger un morceau à l’abri sous les arbres – la pluie était arrivée entre temps et tombait avec consistance – nous attaquions la dernière partie de l’ascension, quelques dizaines de mètres de d+ à avaler pour aller chercher la descente vers Py testée voici quelques jours et qui m’avait enchantée. Et bien, c’est toujours aussi bien. Je l’ai plus dure que l’autre fois, un peu de fatigue peut-être, moins de relâchement, mais ça reste quand même un must du coin pour qui a envie de coltiner du pilotage au millimètre par endroit !
Pas de bol pour Carlos, il n’avait pas compris que freiner c’est tricher, et sa durite de frein arrière a sauté aux quatre cinquièmes de la descente. Je dis ça mais je pense que j’ai bien dû y laisser moi-même un quart de la garniture des plaquettes ! Un petit bout de route pour achever les hommes, une navette pour aller chercher le camion de Benjamin, l’occasion de constater que pour certain touristes il faut profiter des vacances coûte que coûte comme ces trois zygotos posés sur des chaises longues lunettes de soleil sur le nez pour contempler, sous un plaid, les nuages rouler encore du côté de la Porteilla de Mantet (d’ailleurs, je n’y suis toujours pas allé). Et nous voici tous les quatre en communion (c’était le 15 août et le carillon de l’église bruyamment le rappelait), devant une bière avant de rentrer. Pour savourer en mots et dans nos mémoires chaque centimètre de l’étourdissante descente que cet enchaînement compose depuis Pla Guillem, à 2400 m jusqu’à Py à environ 1000 m. Donc, cette trace qui s’était refusée une fois a cédé samedi. D’ailleurs si vous allez à Py, passez obligatoirement boire une bière en fin de ride à l’auberge de Py. Il suffit de sonner !
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