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Enfin, toucher au but (de mal en Py).

Je ne vous parlerai pas de Bertrand-Demane dans ce papier, mais bien de l’accomplissement d’une idée, d’un empilage de petites idées qui finissent par nourrir de jolis rêves. Et de comprendre que parfois patience il faut avoir. Que finalement ces rêves nous mettent un peu dans la peau de l’alpiniste qui parfois doit renoncer, tenter de nouveau, avant de parvenir à toucher ce sommet qui l’empêche parfois de dormir au long de nuits fiévreuses.

Dernière partie de l'ascension vers la crête encore sous les nuages.

Dernière partie de l’ascension vers la crête encore sous les nuages.

Bref. Nous avions déjà parcouru le secteur et je savais qu’il y avait quelque chose à faire en alignant toutes ces traces. Nous avions déjà tenté l’affaire juste avant l’été, sans succès, et je comptais bien cette fois avec Philippe, Carlos et Benjamin, toucher au but.

Il avait l'air de faire bon, là-bas.

Il avait l’air de faire bon, là-bas.

Rendez-vous tôt à Villefranche-de-Conflent -nos amis anglais prévus pour la sortie nous faisait faux bond après avoir par contre bondi par dessus le réveil- nous organisons la navette vers le col de Mantet, notre (habituel) point de départ. Un départ frisquet en diable, il ne devait guère faire plus de 7 ou 8 degrés à 1800 mètres. Les nuages roulaient au loin sur les sommets sans êtres plus menaçant que cela pour nous permettre de partir la fleur au tubeless avec l’insouciance des passionnés.

Petit problème de mécanique pour Carlos.

Petit problème de mécanique pour Carlos.

Mais bon, ça roule quand même par là.

Mais bon, ça roule quand même par là.

La montée vers la Collada des Roques Blanques s’effectue comme d’habitude sans peine apparente, nous sprintons parfois avec les vaches Gasconnes qui peuplent les pacages semés de grosses dalles. Au col, c’est la douche froide. Vers l’Est et le Sud les nuages batifolent mollement d’une vallée à l’autre sous un soleil voilé, mais de l’Ouest nous arrive une pluie légère mais froide.

Ça menace non ?

Ça menace non ?

Cette incertitude glaçante allait nous accompagner pendant toute la traversée jusqu’à Pla Guillem et son cirque étonnant, la découverte d’un nouveau bout de single (faudra retourner) et le début des ennuis pour Carlos avec une Reverb neuve bloquée en position haute. Ce qui, compte tenu de la suite, était pour le moins emmerdant. En quelques minutes nosu avons vu la pluie engloutir le Tres Estelles et lorgner sur nos abbatis avec gourmandise. Nous ne traînons pas, cherchons quand même un meilleur passage que le sentier de randonnée pour rejoindre la Croix de Lipodère, sans succès, avant de nous engouffrer dans la descente et la forêt en même temps.

Bon, peut-être qu'on ne va pas traîner, qu'est-ce que vous en pensez ?

Bon, peut-être qu’on ne va pas traîner, qu’est-ce que vous en pensez ?

Les deux cent mètres de dénivelé perdus, le vent escamoté par on ne sait quel miracle de la géologie, rendaient alors le ride agréable à flanc de montagne et dans la forêt, c’était bien bon à rouler avec un sol un peu humide pour un meilleur grip. Nous avons fait feu jusqu’au bas de la descente sans trop prendre le temps de bavarder, trop occupés que nous étions à profiter de chaque mètre de single.

Philippe avait manqué l'épingle du dessus mais il se rattrape bien.

Philippe avait manqué l’épingle du dessus mais il se rattrape bien.

Benjamin s'en était sorti sans trop de mal.

Benjamin s’en était sorti sans trop de mal.

Juste quand même, pour moi, le temps de m’en coller une dans une partie en dévers sans grip, Benjamin avait tout pris en passant devant, que j’ai terminée debout en contrebas du single mais toujours avec le vélo entre les cuisses. En bas, il fallait remonter et cette fichue grimpette sur la piste entre le parking du Randé et le refuge de Mariailles fait bien mal aux guiboles. Le temps de manger un morceau à l’abri sous les arbres – la pluie était arrivée entre temps et tombait avec consistance – nous attaquions la dernière partie de l’ascension, quelques dizaines de mètres de d+ à avaler pour aller chercher la descente vers Py testée voici quelques jours et qui m’avait enchantée. Et bien, c’est toujours aussi bien. Je l’ai plus dure que l’autre fois, un peu de fatigue peut-être, moins de relâchement, mais ça reste quand même un must du coin pour qui a envie de coltiner du pilotage au millimètre par endroit !

Carlos avait encore des freins pour dévaler les portions les plus rapides de la descente ver Py sans trop se soucier.

Carlos avait encore des freins pour dévaler les portions les plus rapides de la descente ver Py sans trop se soucier.

Franchement, ce morceau est d'anthologie.

Franchement, ce morceau est d’anthologie.

Pas de bol pour Carlos, il n’avait pas compris que freiner c’est tricher, et sa durite de frein arrière a sauté aux quatre cinquièmes de la descente. Je dis ça mais je pense que j’ai bien dû y laisser moi-même un quart de la garniture des plaquettes ! Un petit bout de route pour achever les hommes, une navette pour aller chercher le camion de Benjamin, l’occasion de constater que pour certain touristes il faut profiter des vacances coûte que coûte comme ces trois zygotos posés sur des chaises longues lunettes de soleil sur le nez pour contempler, sous un plaid, les nuages rouler encore du côté de la Porteilla de Mantet (d’ailleurs, je n’y suis toujours pas allé). Et nous voici tous les quatre en communion (c’était le 15 août et le carillon de l’église bruyamment le rappelait), devant une bière avant de rentrer. Pour savourer en mots et dans nos mémoires chaque centimètre de l’étourdissante descente que cet enchaînement compose depuis Pla Guillem, à 2400 m jusqu’à Py à environ 1000 m. Donc, cette trace qui s’était refusée une fois a cédé samedi. D’ailleurs si vous allez à Py, passez obligatoirement boire une bière en fin de ride à l’auberge de Py. Il suffit de sonner !

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Tais-toi et marche !

Quand Marc vous propose d’aller en montagne et de dormir en refuge, méfiez-vous, même s’il ne s’agit pas de vélo et de traces improbables. L’idée trainait depuis un moment dans nos agendas respectifs, gravir le Canigou avec nos enfants, respectifs, eux aussi. Après quelques tergiversations quant au moment, une opportunité se présentait le week-end dernier, avec montée à Mariailles le dimanche soir, nuit au refuge non-gardé, ascension et retour le lendemain dans la matinée. Ça c’était le plan.

L'arbre qui cache la forêt, mais pas la pluie.

L’arbre qui cache la forêt, mais pas la pluie.

Déjà, en arrivant dimanche vers 18 heures à Mariailles après quarante minutes de marche, la vue des cheminées des refuges fumant n’incitait pas à l’optimisme quant à la chance de trouver des places, nous étions quand même cinq. Vérifications faites, tout était plein, du haut en bas et dans toutes les largeurs. Conciliabule, réflexion rapide, Marc avait une tente trois places dans sa voiture, il allait descendre la chercher, nous y mettrions les enfants à dormir pendant que nous dormirions dehors, à la belle étoile, sauf qu’il n’y avait pas d’étoiles.

Camembert à la braise.

Camembert à la braise.

Le temps d’allumer le feu, le temps que Marc revienne avec la tente en question, les nuages donnaient quelques gouttes, sans plus. Tente montée, poulet grillé sur le feu, salade de pates, etc, si nous devions mourir lors de cette excursion, ce n’était sûrement pas de faim ! Bref nous mangeâmes de bon cœur sous les gouttes, échafaudant déjà des abris de fortune à l’aide de ponchos pour nous préparer à la nuit. Mais la pluie redoublant, nos plans ont changé.

5 pour le prix de 3.

5 pour le prix de 3.

En un tour de main la tente trois places fut transformé en tente cinq places (on a ôté la double toile pliée sur le sol pour faire, hum, matelas)… Et nous voilà tassés sous la toile écouter la pluie se jeter à l’assaut de l’étanchéité fantaisiste de l’appareil. Avons nous dormi ? Probablement. Peu. Sûrement. Ce genre de nuit dont tu redoutes le bout parce que tu n’as pas assez dormi, mais dont tu souhaites qu’elle s’achève parce que c’est tellement inconfortable. Inutile de préciser que pensant dormir en refuge nous n’étions équipés de tapis de sol…

Réchauffe tes os avant d'aller chercher le soleil.

Réchauffe tes os avant d’aller chercher le soleil.

Ça va bien se passer.

Ça va bien se passer.

Bref, le jour fût enfin, timide mais beau, par chance notre feu de la veille n’était pas éteint, nous avons donc pu souffler sur les braises pour nous réchauffer avant de faire route vers le sommet caché là bas, en laissant notre bazar en vrac dans la tente pour lui laisser le temps de sécher.

Premiers rayons sur le sentier.

Premiers rayons sur le sentier.

Une heure et demi plus tard nous étions à la cabane Arago, la première partie de l’ascension avalée à toute vitesse à la suite des garçons déchaînés. Une petite pause plus tard, nous entamionss la grimpette à travers le plat pas vraiment plat qui conduit au pied de la Porteilla de Valmanya, le vrai gros morceau de la journée. La montée s’effectue alors sur un beau sentier (combien de fois ai-je alors pensé « mince en vélo ça serait top » ?) à travers une prairie naturelle éprouvée par la sécheresse, les herbes jaunies par la chaleur brillant d’or sous la caresse du soleil à peine levé.

Juste magnifique ambiance de matin d'été.

Juste magnifique ambiance de matin d’été.

Et déjà nous avions chaud, mais c’était avant de rejoindre l’ombre de la montée vers la porteilla, un rude coup de cul qui passe finalement bien, avec une fontaine au milieu et le vent pour venir glacer nos peaux.

Hardi les petits !

Hardi les petits !

Bon morceau que cette ascension de la Porteilla.

Bon morceau que cette ascension de la Porteilla.

Une courte pause juste sous le col pour manger un morceau et nous sommes repartis vers le sommet par la partie la plus pourrie du sentier, jusqu’au pied de la cheminée. Pour moi qui fût sujet au vertige voilà peu, la vision lointaine de ce mur et des marcheurs en train d’escalader, la perspective de cette fin d’ascension inquiétait aux entournures.

Dans la "Cheminée".

Dans la « Cheminée ».

L'arrête du Quazemi, autre voie (alpinisme) pour atteindre le sommet.

L’arrête du Quazemi, autre voie (alpinisme) pour atteindre le sommet.

D’autant que si le vertige ne me touche plus lorsque je suis seul, la compagnie de mes enfants et leur exposition au vide était jusqu’ici une source d’angoisse importante. Heureusement, le mur n’est pas si mur, c’est plutôt un escalier un peu raide avec de hautes marches. J’ai bien eu quelques moments de flottement pendant cette portion plus engagée, mais rien de rédhibitoire.

Bravo les petits loups.

Bravo les petits loups.

Et nous avons touché le sommet. Au milieu d’une presque foule. Restait à redescendre, franchement, ça caillait sévère les meules là haut, pour aller nous abriter sur le versant Est de la Portailla de Valmanya et manger notre casse-croûte, face à la mer (si si) à 2500 mètres d’altitude.

Posey.

Posey.

Tiens, y'a un sentier qui monte là, ça descend en vélo tu crois ?

Tiens, y’a un sentier qui monte là, ça descend en vélo tu crois ?

Avant de s’user la plante des pieds dans la longue descente vers Mariailles pour démonter la tente, puis le parking du Randé pour retrouver nos voitures.

Long retour vers Mariailles.

Long retour vers Mariailles.

Ça c’est fait. La prochaine fois, on prendra la tente d’entrée de jeu, hein Marc ? Mais d’ici là, il faudra retourner avec les vélo, il y a deux ou trois trucs à vérifier par là bas. Qui vient ? [plus de photos sur ma page Facebook en suivant ce lien]

Pause finale au refuge, gardé celui là.

Pause finale au refuge, gardé celui là.

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J’adore quand un plan se déroule sans accroc

Nous étions une poignée, le ciel gris, la chaleur un peu lourde de l’été, la végétation brulée par les jours précédents et les nuits sèches, sans humidité pour permettre à la nature de se reposer. Le menu du jour était un ordonnancement de traces parfaitement inédit eu départ du col de Palomère pour rejoindre Baillestavy par des détours impérieux. Il nous fallait d’abord grimper par un petit portage d’échauffement à la cool pour atteindre le point culminant de cette sortie. Sans mal.

Petit portage de bienvenue pour les vacanciers de passage.

Petit portage de bienvenue pour les vacanciers de passage.

Les nuages étaient un peu fainéants ce matin là.

Les nuages étaient un peu fainéants ce matin là.

Un peu de sentier, puis de piste, et nous voilà engagé dans la première descente, celle qui avait vu Vincent s’ouvrir le bras lors de notre sortie « Faut pas s’en fer » du mois de juin. Avec les fougères ça roule pas super sur la partie haute, mais c’est beau et on a le temps de regarder le paysage ou de basculer dans le ravin comme Olivier pour pimenter ce ride à basse vitesse.

Et hop, dans le D-

Et hop, dans le D-

Ça pique par endroit, mais c'est beau.

Ça pique par endroit, mais c’est beau.

La seconde partie reste extra, à dévaler sans se soucier du tiers ni du quart, freiner c’est tricher. Arrivé une première fois à Baillestavy, j’ai emmené la petite troupe jardiner un moment à la recherche d’un bout de sentier mignon qui se dégringole en quelques belles épingles jusqu’au bord de la Lentille pour continuer la descente de façons très plaisante sur une trace ondulant au gré de la topographie.

Très jolie trace à dévaler au dessus de Baillestavy.

Très jolie trace à dévaler au dessus de Baillestavy.

Venait ensuite le premier pétard de la journée, une piste pentue pour rejoindre la route et la traverser. Un vrai test pour ma première sortie en monoplateau. Validé. La suite, après la route, était encore constituée d’une montée sur piste à bon rythme. Nous avions mis deux heures pour arriver là, c’était de bonne augure. Après mes déboires récents en la matière, mon plan allait-il marcher ?

Les épingles d'école de Joch.

Les épingles d’école de Joch.

Engagés à toute vitesse avec les autres dans la descente de Joch, je manquais de m’en coller une belle dans le trou posé là par un sanglier plein d’attention mais nous tenions le rythme, tant sur la partie à flanc que dans les affolantes épingles finales, pour finir à Finestret à faire le plein d’eau. Mais Finestret, pour nous, ce matin là, c’était un peu notre Pont-de-Cros. C’est là que ça commençait vraiment. La montée suivante, pour arriver au Pic Marbet est loin d’être de tout repos et demande de porter, pousser et rouler, si l’on peut.Et c’est là que Fred a commencé de souffrir de son pneu arrière.

GR36, on se fait secouer à deux ou trois reprises pendant la descente. À peine.

GR36, on se fait secouer à deux ou trois reprises pendant la descente. À peine.

Après plusieurs arrêts, il aura fallu lui mettre deux cartouches, non pas pour l’achever, le pneu, pas Fred, mais pour que muni d’une chambre il finisse de faire son job et nous permette de rallier l’arrivée ensemble, au bout de la jolie descente du Pic Marbet, en passant votre quelques crampes et une nouvelle cabriole d’Olivier (césar de la meilleur frousse causée à ses compagnons de sortie.). Au bout du compte, 26 km, un poil plus de 1000 m de dénivelé et quatre jolies descente en moins de cinq heures. Le tout pour boire une bière au café de Baillestavy, pour une fois ouvert quand je déboule par là !

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Je ne suis pas cycliste.

Voilà. L’heure est venue de mon coming out. Je n’ai rien à foutre du vélo. Le vélo m’emmerde. Je l’emmerde et il me le rend bien avec ses tracasseries mécaniques auxquelles je ne pompe rien. Non, je n’aime pas le vélo. Non, la barbe et la chemise à carreaux ne me poussent pas quand on parle vélo.

photo @migovix ça fait mal mais c'est bon.

photo @migovix ça fait mal mais c’est bon.

Non je n’aime pas avoir mal aux cuisses en emmenant des développements surdimensionnés. Non je n’aime pas la sueur qui me coule le long du dos jusque dans la raie pour aller niquer l’effet salvateur de la peau de chamoix pour me brûler le cul jusqu’au sang. Je conchie le vélo. Et je conchie les cyclistes bêlant sur Strava. Non, j’emmerde le vélo, de Bernard à Joop, d’Eddy à Jacques et tous les autres #idoles pourtant. C’est Nicolas Bouvier qui écrit quelque part que finalement qu’on ne fait pas un voyage, que c’est le voyage qui nous fait. C’est cela. Le vélo n’est ici pour moi qu’un outil, un moyen, pas un fin en soi. L’outil idéal pour allier découverte et sport, ouvrir des horizons intouchables simplement à pied, par la distance parcourue au moins…

Oui, j’avoue, j’aime l’effort, quand il est mesuré, et non à l’aune d’une performance, mais comme quand il est partagé. Partagé avec les amis, qui savent t’attendre si tu es le boulet du groupe, ou que tu attends si c’est un autre qui en difficulté. J’aime l’effort s’il apour but autre chose que la sueur, une image, un paysage, un sourire, une tape sur l’épaule, la satisfaction d’avoir triomphé d’un de ces challenges quotidien, la perspective du plaisir à venir, la tête dans les nuages, le soleil qui brûle, les pieds dans l’eau fraîche des torrents… Qu’importe, il suffit que l’effort soit partagé, la plupart du temps.

Reste ceci. Le voyage nous fait. Lorsque nous montons au Madres, l’expérience physique n’est pas notre credo. Nous perdons du temps à nous noyer dans les paysages à la place. Chaque instant passé sur le vélo est aussi un voyage en soi avec les autres. On parle, ou pas. On blague, ou pas. Sur les pentes de Mariailles dimanche on ne parlait pas beaucoup. L’important c’est d’être là. Et de collecter à longueur de chemin les perles qui feront de chaque sortie un trésor. Un troupeau d’Isards, des chevreuils à rebrousse-poils dans le sentier, la caresse du soleil sur l’envers de feuilles des arbres en soirée, jusqu’au piquant des plantes qui vivifient tes mollets ensanglantés. Pourvu que le plaisir de pénétrer la nature soit là. Et que tu puisses le partager avec d’autres. Je ne suis définitivement pas cycliste. Tu viens Paulette ?

« Quand on approchait la rivière on déposait dans les fougères nos bicyclettes, puis on se roulait dans les champs faisant naître un bouquet changeant de sauterelles de papillons et de reinettes. »

Voilà. C’est dit.

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Pente à l’Onade (Variations en Mariailles mineur).

« I’m in Las Vegas bitch ! » Dans le genre grimpette qui fait mal aux jarrets, celle qui conduit de la vallée de la Rotja au refuge de Mariailles ne fait pas dans la dentelle. Et la musique, (« I’m in Las Vegas bitch » Fatboy Slim remix donc) aide à faire passer la pilulle. C’est plutôt du tendu, sans répit sauf peut-être quelques mètres au col de Jou et une petite centaine au parking du Randé. Bref, c’est une boucle « no pain no gain » que nous avons empruntée dimanche matin pour aller vérifier une intuition de Marc. Celle là même qui était à notre programme lors de cette épique sortie de mauvaises décisions.

À Mariailles tu poses tes fesses et tu souffles en regardant le paysage.

À Mariailles tu poses tes fesses et tu souffles en regardant le paysage.

De bonne heure nous sommes partis, l’idée c’était, aussi, d’aller passer voir les coureurs à pied du championnat du Canigou, douce illusion ils vont bien trop vite, de bonne heure donc nous nous élançâmes depuis la vallée pour rejoindre le col de Jou, première étape de notre périple. Ça monte bien mais sans trop de difficultés, c’est après que ça se corse, jusqu’à Mariailles, avec des portions bien raides (17% de moyenne sur 800 m ça calme ta prétention). Il était prévu au départ que nous grimpions jusqu’à la Croix de Lipodère après le refuge, mais vu l’état moyen des troupes, nous avons pris la sage décision de filer à flanc pour aller quérir l’entrée du sentier que nous voulions vérifier. L’idée était très bonne en fait. Clairement, ce n’est pas un sentier roulé souvent… La trace fait 20 à 25 centimètres de large, les cintres de plus de 700 passent tout juste entre les arbres, mais à part ça, c’est de la balle. Du haut jusqu’en bas.

Un festival de pente !

L’entame est sérieuse, pentue, cabossée. Coup de bol, les orages des jours précédents nous offraient un grip terrible et on restait sans mal sur le vélo, à condition de pouvoir y monter. Cette première partie se descend lentement, il n’y a guère moyen de prendre de la vitesse, le pente est très forte, les épingles tordues, les virages fuyants. Après un petit replat bien agréable à rouler dans une trace propre dans l’herbe, l’affaire replonge dans la pente, il n’y a pas d’autre verbe que celui-ci. Un truc à attraper le tournis, les épingles s’enchaînent, beaucoup sont franchissables, quelques unes non qui obligent à poser le pied, et souffler un peu. À l’entrée dans la forêt, la trace se fait plus large, plus roulante, enfin, plus rapide, les épingles comportent souvent des relevés naturels qui permettent de soulager les disques, je me suis surpris à crier quelques fois dans ce dédale bien ordonné pour le plaisir de rouler.

Piège pour le dernier.

La pente est un peu moins forte dans cette section, mais on y goûte de nouveau de loin en loin, la trace se fait alors moins lisible, plus rebelle, il faut deviner, ne pas se louper entre les arbres, s’interroger en se demandant si on n’a pas manqué un truc, savoir distinguer la rigole de la trace… Au final, on termine dans la rivière en fond de vallée, le temps d’ourdir un complot pour le dernier qui arrivera en bas de l’épreuve et verra fondre sur lui, au moment où il traverse le filet d’eau, une pluie de cailloux dans la vasque toute proche ! Donc voilà, comme d’hab, on a validé un parcours, et déjà les yeux traînent sur la carte dans les environs pour continuer d’explorer ce pan de montagne riche en promesses.

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Putain de bordel de merde

Il y a des jours ainsi lors desquels tu pars en te disant que ça valait le coup d’attendre. Puis en fait, c’est la débandade. L’attente n’est pas récompensée, l’affaire tourne à la farce. Ce samedi fut de cette aune funeste, un samedi de merde. Le programme était alléchant, la jonction de deux belles traces de vélo de montagne avec au milieu un truc que je connaissais pas. 40 bornes tracées à l’arrache, autour de 1200 m de positif et plus de 2000 à perdre.

Chat et souris.

Chat et souris.

Il avait plu la veille au soir, la poussière allait être collée et on pouvait espérer avoir un grip de fou dans les parties les plus pentues. Déjà en arrivant, les nuages, oracles d’eau vaporisée, nous prévenaient qu’ils ne nous lâcheraient pas de sitôt. Ils s’engouffraient dans les vallées avec la gourmandise de ceux qui ont la dalle après trois semaines d’absence pour rebondir dans les combes et rigoler de notre insouciance bravache.

Souris et chats

Souris et chats

Nous avons englouti le dénivelé initial comme sans trop nous en rendre compte, la piste était belle pour nous mener à plus de 2200 mètres, là où le regard se perd à chercher l’horizon. Mais les nuages cannibales de rêves de fortunes nous avaient bouffé l’horizon, où plutôt nous l’avaient rendu malheureusement palpable, l’avaient amené au bout de nos doigts.

Toucher l'horizon du bout du doigt.

Toucher l’horizon du bout du doigt.

À la collade de Roques Blanques, nous avons causé saucisson et chimie dans la purée de pois dont seule la densité variait de loin en loin, comme une mélodie de Fauré, c’était donc affaire de cuisine. L’idée était de trouver un passage un peu plus roulant que le sentier balisé pour traverser les Esquerdes, une crête parsemée de triangles de pierres. Ça semble passer sur Google earth, mais dans la réalité, quand tu n’y vois pas à 50 mètres, c’est difficile de se faire une idée de la direction à prendre et à suivre.

Casse-croûte saucissonesque.

Casse-croûte saucissonesque.

Vaillants nous partîmes quand même par le flanc est de la crête en nous disant que l’aventure allait nous sourire. Elle a presque sourit, jusqu’à un une série de plats parsemés de pierres concaves nous obligeant à de convexes trajectoires. Ça chauffe les cuisses velu par endroit quand la pente se fait un peu raide, mais nous étions toujours plongés dans le brouillard pas franc des nuages, jusqu’à ce banc de chevaux au milieu de la nuée réchauffé par un rayon de soleil. Pour la suite, il nous fallait choisir. Revenus sur le flanc ouest de la crête, un large pierrier barrait l’horizon de nos roues.

Tu murmures à l'oreille ?

Tu murmures à l’oreille ?

Drôle d'ambiance à 2300 m.

Drôle d’ambiance à 2300 m.

Nous décidions donc de tracer en free ride dans la pente pour retrouver le sentier et finalement nous trouver au pied du mauvais passage que je cherchais à éviter. Il faudra retourner voir, je suis certain que ça passe de l’autre côté. Un bon moment de portage plus tard, nous entamions sur la selle la fin de la traversée des Esquerdes pour rejoindre la mort de l’Escoula, au prix d’un nouveau portage un peu raide juste sous la falaise. C’est là qu’il faut sortir les watts du sac pour rester sur le vélo le plus longtemps possible, savoir sortir de la trace des marcheurs à la poussière fine pour aller s’épuiser dans l’herbe rase, terrain de jeu des isards qui galopaient au loin un peu plus bas par dizaines sous les sifflements prudents de marmottes.

Sorti de nulle part.

Sorti de nulle part.

Et là, la cata. Campé sur le vélo, arc-bouté sur les cuisses pour rouler encore quelques mètres et passer ces putains de pierres, j’ai senti mon cul se dérober, sans comprendre, une glissade, la stupéfaction a duré une seconde, le temps que je réalise, la selle ne tenait plus sur sa tige. Les deux vis du chariot avait cassé net en même temps. J’étais dégouté. Pour de vrai.

Pas suffisant.

Pas suffisant.

Nous avons bien tenté de remettre la selle en place pour que je puisse rouler encore un peu, au moins pour protéger mon fondement des velléités pénétratrices de la tige de selle ainsi dégarnie, sans succès. Le beau rafistolage n’a pas tenu trois minutes. Et c’est là que l’expression « se retrouver au milieu du gué prend tout son sens ».

Dernier portage.

Dernier portage.

J’ai donc fait une dizaine de bornes sans selles et sans plaisir, alternant marche et ride, posant le pied dans le cassant qu’habituellement je franchis, écourté la sortie de moitié… Aujourd’hui j’ai les cuisses mâchées, les mollets endoloris et le moral en petites pièces. Fuck.

Je retournerai, encore, pour trouver le passage.

Je retournerai, encore, pour trouver le passage.

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Au hameau d’En en joëlette

C’est avec Raphaël que nous sommes partis ce matin, mes garçons et moi, Mirabelle, l’accompagnateur de Raphaël, Romain, Aurélien… Pour faire un petit tour de piste du côté de Nyer. J’étais déjà passé dans ce village presque perdu en décembre dernier, j’avais donc une idée du paysage et il n’y avait rien de mieux à faire un quatorze juillet, bigre.

Avant toute chose, il faut monter la Joëlette.

Avant toute chose, il faut monter la Joëlette.

Puis transférer Raphaël de son fauteuil vers la Joëlette.

Puis transférer Raphaël de son fauteuil vers la Joëlette.

Sur le coup de 9 h 15, nous nous sommes arrêté au croisement de deux pistes au dessus du village, en direction du hameau d’En. Le temps de monter la Joëlette, d’y installer Raphaël et nous voilà, caminando sur cette piste confortable mais point trop rude, bavardant tranquillement, écoutant les explications d’Aurélien sur le paysage, les alentours…

Et la marche trouve son rythme.

Et la marche trouve son rythme.

Aurélien nous fait découvrir la signature olfactive du pin Douglas.

Aurélien nous fait découvrir la signature olfactive du pin Douglas.

L’occasion pour Raphaël, venu de Perpignan, et nous d’en apprendre pas mal, sur les pins Douglas et leur odeur d’agrume, de citron presque lorsqu’on froisse les aiguilles, la différence entre les sauterelles et les criquets, c’est une affaire d’antennes et plus spécialement de longueur d’icelles, la durée de vie des papillons, de quelques jours à quelques mois, de la carence mortelle en sel minéraux qui les affecte, de l’incurie des classificateurs français de la vie sauvage qui ont créé deux familles, papillons de jour et papillons de nuit alors que certains papillons de nuit sont diurnes…

Pause au hameau d'En, vue sur la vallée de la Têt en prime et Olette, tout en bas.

Pause au hameau d’En, vue sur la vallée de la Têt en prime et Olette, tout en bas.

Cette petite randonnée ne présente pas de difficulté technique, même quand la pente s'accentue comme ici dans le hameau.

Cette petite randonnée ne présente pas de difficulté technique, même quand la pente s’accentue comme ici dans le hameau.

Bref. L’occasion aussi d’apprendre que le hameau d’En fut, une fois déserté par ses habitants, conquis par une communauté de convertis à l’Islam (je vais chercher à en savoir plus) qui furent ensuite délogés de là par les forces de l’ordre au bout de quelques années. Et les étoiles dans les yeux de Raphaël, au milieu des ruines, répétant avec envie, et raison « ça doit être le pied de vivre ici ! »

Après le hameau s'amorce le chemin du retour sous l'œil bienveillant du Canigou.

Après le hameau s’amorce le chemin du retour sous l’œil bienveillant du Canigou.

Sinon, j’ai tiré la joëlette aujourd’hui pour permettre à Raphaël d’arriver jusque là. On passe les sangles aux épaules, c’est confortable. C’est juste un peu déstabilisant au début puisqu’il faut seulement tirer et guider, ne pas se préoccuper de l’équilibre qui est assuré là par Mirabelle, l’équipière située à l’arrière dans le brancard. Donc il faut souquer ferme mais ce n’est pas si difficile. Et regarder loin devant pour choisir la trajectoire la plus confortable, éviter les trous, les glissades sur la terre battue plein de poussière… Ce n’est pas si difficile, seulement physique en fait, pour le reste, pratiquer le VTT aide à lire le sol et conduire l’attelage ! On recommencera !

Papillon peinard.

Papillon peinard.

Aurélien détaille les us et coutumes des papillons en répondant aux questions des uns et des autres.

Aurélien détaille les us et coutumes des papillons en répondant aux questions des uns et des autres.

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Les doigts dans le pot de miel.

Des fois je me goure. Mais je me goure velu. Voilà, c’est ce qui s’est passé dimanche. J’avais prévu un ride costaud mais beau, de ceux qui te font avancer parce que c’est chouette et que ce que tu vois te donne envie d’en avoir plus, d’en voir plus. Nous étions un poignée de joyeux lurons au départ au col de Mantet. Quelques légitimes interrogations pointant, je décidais de changer le programme, au dernier moment. Au lieu du portage et des Esquerdes, il serait question de la piste vers le col. Une broutille, ça monte toujours bien par là.

Un peu de mécanique. Normal.

Un peu de mécanique. Normal.

La montée passe crème depuis le col.

La montée passe crème depuis le col.

Au col, nickel. De la brume, on ne voyait rien. De là, après avoir jeté un coup d’œil ému aux Esquerdes à droite, nous sommes grimpés jusqu’au Pla Guillem. Ce nom, ce truc, qui me faisait rêver depuis quelques années. Et franchement, j’ai eu raison de rêver. C’est beau. Immense et réduit à la fois, c’est de la haute montagne, tu as l’impression de pouvoir toucher les falaises quand elles sont à trois bornes.

Open space pour Myriam et Chloé.

Open space pour Myriam et Chloé.

Miguel s'énivre.

Miguel s’énivre.

Bref, j’avais des merdes avec mon tubeless. Déjà, de bon, matin, il faisait déjà 25°, la canicule toussa, j’ai bataillé 25 minutes pour le faire claquer et faire que cette putain de valve arrête de perdre. Mais là, premiers mètres de descente dans la caillasse sur une piste somme toute tranquille, -2%, et pschitt. Tentative avec Miguel de remettre la valve, peine perdue, chambre glissée dans le caoutchou plein de latex, ça sera sympa demain quand je vais mettre les mains dedans. Bref, après le refuge on entrait dans l’inconnu, je ne connaissais pas ce bout là.

Taupe efface les arbres à donf'.

Taupe efface les arbres à donf’.

Ce petit bout de sentier est très joueur avec ses épingles.

Ce petit bout de sentier est très joueur avec ses épingles.

Le temps de spotter les cairns pour retrouver la trace et nous voilà dans un merdier impensable, inroulable, sauf à ne pas payer les dérailleurs et les roues ou à être doté d’une technique de trialiste pas pressé. Donc, le single du refuge jusqu’à la Croix de Lipodère (GR83) vous oubliez c’est pourri ! (Prenez la piste à droite du pic, ça ira mieux). À la croix, la descente se fait mignonne, je l’avais déjà empruntée en début de saison avec Marc, ça roule à flanc, c’est sauvage, ça gratte un peu les mollets par endroit, on n’y voit pas bien la trace, puis ça plonge dans la forêt et là c’est grand bonheur, mais nous n’avions plus d’eau. L’heure était grave, les gorges sèches. Il fallait faire des choix. Étant le seul à connaître et le coin et la trace, c’était pour ma pomme.

euh

La problématique était simple. Il nous fallait de l’eau, mais l’eau était à deux kilomètres au bout d’une jolie piste au refuge de Mariailles. Devant nous s’ouvrait une belle descente qui nous ferait perdre 250 m de déniv par rapport à l’eau. À gauche se trouvait la descente que je ne connaissais, et encore pour partie seulement, que par ouïe dire. C’était celle qui devait nous ramener illico vers Py. Donc, nous sommes allés chercher de l’eau, puis j’ai décidé de revenir sur nos pas pour prendre ce joli bout gourmand dans la forêt. En me disant, vu les 250 m de D+ qu’il y avait à reprendre, l’heure qu’il était, l’âge du capitaine et tout le toutim, qu’on allait transiger pour le plus rapide. Je croyais.

POD. Un rayon de soleil, une belle traj' de Myriam et zou, une photo.

POD. Un rayon de soleil, une belle traj’ de Myriam et zou, une photo.

Miguel flirte avec l'extérieur punitif.

Miguel flirte avec l’extérieur punitif.

Le plus rapide en l’espèce c’était de, horreur, prendre la piste pour un bon bout descendant. Au parking, nous avons donc dévalé la piste à tombereau ouvert. Mais je ne souhaitais plus nous lancer dans une explo inédite, sans savoir ce qui nous attendait. Une fois la piste dévalée jusqu’au col de Jou, j’avais imaginé prendre le GR10 pour rallier Py, où nous attendait la voiture de Taupe. J’avais avec Marc déjà pris ce sentier, mais dans l’autre sens. L’avais alors trouvé dur, on avait porté longtemps, mais dans mon souvenir, dans l’autre sens, c’était roulable. Mais en fait, pas vraiment. Et là, c’était vraiment galère. J’ai avancé comme un taré pour voir s’il était possible de faire quelque chose, mais non, il fallait endurer ce sentier mal pavé de mauvaises intentions, qui te te laissait rouler que 20 mètres avant de te menacer de t’envoyer bouler 30 mètres plus bas… Je n’ai pas osé partir dans l’inconnu, infliger aux autres ce que je suis capable moi-même d’endurer parfois comme conséquence de mes idées stupides en la matière ! Parce qu’au final, pourrie pour pourrie, on avait la choix des fins.

Une cassure ? où ça une cassure ?

Une cassure ? où ça une cassure ?

Bref, c’était une mauvaise idée. Il restera le bonheur de la crêtes, les esquerdes, le Pla Guillem, ce sentiment infini de liberté, la montagne qu’on peut toucher du bout des rêves et ce petit single sauvage se glissant fripon dans la forêt comme le courant d’air par la fenêtre au petit matin sur la peau des corps éreintés par la chaleur de ces jours ci. Mais cette grande balade reste à affiner, il faudra aller voir ce fichu sentier que nous n’avons pas pu goûter parce que si ça passe, c’est beau ! Et comme nous avons eu bien chaud, l’envie de regarder, et d’écouter ça : « Water walk » de John Cage. « Because I walk while I perform. »

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Partage single avec Joëlette, let’s ride.

Le hasard fait bien les choses. Commis d’office pour une rando Joëlette, j’ai pu découvrir hier samedi avec mes garçons qu’on pouvait partager les sentiers avec d’autres, ce que nous savions déjà, mais plus précisément avec ceux qu’on ne penserait jamais voir dans de tels endroits. À Py, nous avons rejoint Mirabelle de l’association Nataph, sa joëlette, les hommes de la réserve naturelle de Py, la conteuse Estelle Cantala et Hélène. Hélène qui vit à la fois dans notre monde et dans un autre dont je ne saisis pas l’étendue.

En d'autres lieux on dirait qu'il faut souquer ferme !

En d’autres lieux on dirait qu’il faut souquer ferme !

Pause paysage.

Pause paysage.

À 38 ans, c’était sa première sortie en montagne, accompagnée de sa mère. Une fois bien assise dans la Joëlette nous avons dévalé la pente jusqu’à la rivière. Le rôle qui nous avait été assigné à Louis te moi était la « parade ». C’est à dire rester sur les côtés de l’engin, aider à passer les marches, les cailloux, mettre de la douceur si possible dans les franchissements d’obstacle pour aider le travail du gros amorto situé sous le siège. Parfois, le sentier n’est pas assez large pour passer de front alors il faut ruser, passer devant, lire le terrain, anticiper les éventuels besoins. On dirait du VTT.

En fait, ça passe partout la Joëlette.

En fait, ça passe partout la Joëlette.

Une roue, un amorto, des biscotos.

Une roue, un amorto, des biscotos.

Regarde loin la trace devant toi pour mieux t’en sortir. Bref, il faisait bien chaud même à l’ombre géréneuse de la forêt. Quand il montait ce fichu sentier ne faisait pas semblant et était très à son aise quand il s’agissait de nous glisser des pierres en travers de la trajectoire. Mais bon. Nous en avons aussi connu de bien plus tordus. Au long de haltes contées, la Joëlette était posée sur ses béquilles, puis celles ci démontées et nous repartions. Je ne sais pas pourquoi, mais le verbe « caminar » s’impose pour ça, « faire le chemin », nous avons fait le chemin pour Hélène. Nous n’avions que ses mains pour essayer de sentir comment elle vivait les choses, ses yeux étaient cachés derrière ses lunettes de soleil.

Pause conte, à l'ombre sur le sentier.

Pause conte, à l’ombre sur le sentier.

Épingle !

Épingle !

Des mains que ne trahissaient pas de signes particuliers d’angoisses ou de frousse. Une sensation confirmée par sa mère, un peu inquiète au début des réactions qu’elle aurait pu avoir. Près de trois heures, c’est le temps de la ballade d’hier, sur un sentier très agréable le long de la Rotja. Trois heures qui m’ont permis de comprendre qu’on pouvait partager les sentiers aussi autrement qu’en en faisant chronique comme je le fais ici. Trois heures, quelques litres de sueur. C’était la première fois qu’Hélène allait ainsi, « caminando » sur les chemins de montagne. J’y retournerai.

Les mains d'Hélène.

Les mains d’Hélène.

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Un petit Madres au tour (2e partie)

J’ai un peu rapidement expédié dans la première partie (lire ici) le ride sommital, appelons ça ainsi. Le début nécessite un petit poil de désescalade, mais rien de bien méchant. Ensuite, on porte encore un peu, ou on pousse c’est selon , pour arriver dans la première partie franchement descendante. Là faut pas s’emballer Marcel, mais bien prendre à droite  pour viser le refuge, sur l’autre flanc, là bas.

Passée la première partie le long de la crête, la trace devient roulante.

Passée la première partie le long de la crête, la trace devient roulante.

Nous n'aurons pas croisé grand monde par là, une petite dizaine de randonneurs au plus.

Nous n’aurons pas croisé grand monde par là, une petite dizaine de randonneurs au plus.

Au milieu, non, pas de rivière, mais un bon challenge pour les gars qui ont la couenne, une remontée au milieu des caillasses. Après le refuge (faire de l’eau à la source juste avant), ça continue sur une trace mal pavée pendant un moment et ça s’améliore. Quand tu prends à gauche vers le lac de Nohèdes, c’est beau, au milieu des rhododendrons encore, c’est pentu, la trace n’est pas super aisée et l’herbe sèche très glissante.

On a fait au moins 48 pauses photo…

On a fait au moins 48 pauses photo…

C'est pas si pire.

C’est pas si pire.

Au lac, nous avons croisé trois autres gars en train de casse-croûter, des connaissances, et fait un peu de cryothérapie. C’est là aussi que Vincent, l’un des deux crosseurs du jour, a planté le deuxième dicton du jour : « Manger c’est tricher. » Le premier dicton avait été prononcé au sommet donc balayé par le vent : « Qui pisse contre le vent se nettoie les dents. » Inutile de dire qu’on a attendu d’être descendu pour se soulager. Donc après le lac, Atha a perdu une des vis de l’étrier de frein arrière, tranquille quand tu as devant toi la bagatelle d’un 1400 négatif d’un bloc, ça s’est bricolé avec fortune, pour info, c’est du  6 5 mm, la vis, je vais en chercher une pour ajouter à la trousse de secours du vélo. La première partie du sentier est très pourrie pour rejoindre le canal ça roule pas beaucoup, même pour les meilleurs techniciens.

La nature a des ressorts inouïs

La nature a des ressorts inouïs

Plein gaz vers le Lac de Nohèdes.

Plein gaz vers le Lac de Nohèdes.

Après, c’est du bonheur jusqu’au col du Portus. Une trace vive tout en balcon sans être aérienne; ça pédale, ça consomme du jus, mais franchement, la vue sur le réservoir et le reste vaut la peine. Là au col, Franck a voulu faire le malin, que dis-je, le gourmand, et nous a mené sur une piste sans issue à bon rythme pendant un moment. On aurait dit la Cape Epic dans les pins. Finalement après un demi-tour que j’avais prophétisé (nanana), nous avons fini par reprendre le chemin classique pour atteindre le refuge de la Moline.

Cryothérapie.

Cryothérapie.

Salut les gars !

Salut les gars !

Et c’était tant mieux. Il y avait un moment que je n’avais plus d’eau, je n’étais pas le seul à être à sec et j’avais drôlement soif. Au point qu’avec la chaleur augmentant à mesure que nous perdions de l’altitude ma bouche n’en finissait plus de sécher, même dans les descentes, mais quand il n’y avait pas besoin de pédaler. Las, le robinet attendu n’était pas là au refuge. Heureusement, le gamin qui gardait un fort troupeau de vaches dans la clairière nous a conduit jusqu’à la cabane de son père, deux lacets au dessus. Nous avons pu faire le plein, tailler une bavette et apprendre que si le robinet n’était plus remplacé, c’était à cause du vandalisme. Bref, c’est là que j’ai crevé aussi, c’est aussi là que Marc Colom a triché, et c’est là que nous nous sommes élancés dans le Cami Ramader.

Faut envoyer du gros steak pour atteindre le canal, mais des fois ça passe pas quand même dans cette trace défoncée.

Faut envoyer du gros steak pour atteindre le canal, mais des fois ça passe pas quand même dans cette trace défoncée.

Le canal au dessus du réservoir. Juste magique.

Le canal au dessus du réservoir. Juste magique.

Assurément. Des Cami ramader dans les Pyrénées-Orientales, il en existe des dizaines puisque ce sont les chemins qu’empruntaient les troupeaux pour aller aux estives. Ils ont été patiemment construits et entretenus pour nous offrir aujourd’hui des terrains de jeu formidables. Pour celui ci, si l’on vous parle de Cami Ramader dans le département à propos de vélo c’est très probablement de celui là dont il est question, celui ci donc commence par une petite balade en forêt, le sol est souple, sans piège, il y a parfois de la pente. Puis, à mesure que le sentier perd de l’altitude, il se mouille par endroit, s’encaisse dans la vallée, la chaleur s’y montre alors pressante, la trace fait des tours et des détours dans les gorges. Il faut savoir freiner de temps en temps pour se rendre compte des alentours. Le chemin traverse plusieurs fois la rivière et des pierriers sonores. Les grandes pierres plates sonnent comme le feraient des xylophones sous les pneus et le son rebondit contre les parois.

N'en voyant que le cul, nosu avons pris cette brebis noire pour un sanglier !!

N’en voyant que le cul, nosu avons pris cette brebis noire pour un sanglier !!

Parfois en sous-bois, parfois en plein cagnard, cette descente est exigeante. Il faut de la vitesse pour passer les pierriers et les pierres aiment parfois bouger sous les roues, voire croquer un pneu ici ou là. N’est-ce pas Franck et Vincent ? Bref, de crevaisons en crevaisons nous avons fini par sortir de ce long exercice fatigant. Un bout de route, et voilà déjà le dernier morceau de single, une trace en légère descente vers Olette, seulement ponctuée de deux trois grosses caillasses à l’arrivée, juste avant le passage sous une arche totalement inattendue à l’orée de la ville.

Bricolage de fortune.

Bricolage de fortune.

La fatigue et la chaleur aidant, il y a moins de photos de la fin, mais nous retournerons au Cami Ramader, promis.

La fatigue et la chaleur aidant, il y a moins de photos de la fin, mais nous retournerons au Cami Ramader, promis.

Un dernier coup pour faire couiner les disques et les vélos sont garés à la terrasse du bistrot du village à 660 mètres d’altitude. Devant ta mousse, tu étires les cannes tu regardes les bulles s’amuser, tu fermes les yeux avec l’envie soudaine d’écouter ça.

Mine de rien, il y a quatre heures de cela, nous étions à plus de 2400 m. Combien de mondes étranges avons nous traversés pour arriver là ? Combien de mondes ? Combien de rêves ? Chacun de nous trouve dans ces sorties ses raisons propres, nous n’en parlons pas forcément, le cycliste a sa pudeur, chacun de nous poursuit ses propres ambitions au cours de ces longues ascensions et de ces interminables descentes. C’est un dialogue avec soi-même que nous partageons entre amis, il n’est jamais plus agréable d’être seul que lorsqu’on est bien accompagné. Combien de mondes avons-nous donc traversés ? Combien de rêves ? Probablement autant que les souvenirs que nous allons pouvoir maintenant choyer avant de reprendre notre jeu de légo. La gourmandise est bien un vilain défaut. Qui vient dimanche ? 

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Le papier de Franck sur son blog 2 roues dans les cailloux sur cette sortie mémorable

Plus de photos sur la page yannk sur facebook (vous pouvez likez en passant !)

Et puisque vous êtes nombreux à le réclamer, la trace.

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Un petit tour au Madres (1ère partie)

C’est une idée de Franck. Mais qui vaut pour tout ce que nous entreprenons en la matière. Rêver en jouant au grand légo des traces, au grand meccano du plaisir à deux roues. Assembler des bouts de traces pour faire des grandes virées. Nous nous étions déjà cassés les dents sur cette belle idée l’an passé, faute au mauvais temps de juillet. Cette fois, nous avons pris toutes les précautions en partant presque avant l’aube, à l’heure où s’habille d’or la montagne (pardon Victor). Bref nous étions 9 éparpillés à nous retrouver au col de Creu de bon matin.

Réveil du Canigou

Réveil du Canigou

À la poursuite du C15

À la poursuite du C15

Le soleil brillait sur les Pyrénées, il ne faisait ni froid ni trop chaud, la forêt nous tendait les bras avec générosité. Un premier single nous envoyait dans le bon pour l’échauffement et même pour certains carrément pa terre. Nous devions descendre un peu pour attraper une piste avec vue sur la Cerdagne et parvenir au col de Sansa, sans métamorphose.

Pousse-pousse

Pousse-pousse

De là, les choses sérieuses pouvaient commencer avec un brusque infléchissement de la pente. Les énervés du groupe prirent vite les devants, sans égard aucun pour les plus anciens qui roulent avec des moteurs diesel. Qu’importe. La piste était belle, nous avancions bon train, devisant gaiement, c’était une gai parade. Puis après quelques ennuis mécaniques pour moi, un bout un poil plus raide (euphémisme) nous étions au pied du chantier, sans trop nous en rendre compte.

Dru ! Mais beau.

Dru ! Mais beau.

Un single discret partant dré dans le pentu mais dont la rudesse était masquée par l’appétit de la forêt. Et ça montait bien dru jusqu’au débouché à l’air libre. Là, la pente se faisait moins coriace, autorisant les plus vaillants à remonter en selle. C’était beau, partout, nous prenions sans arrêt des photos, comme si nous étions sûr d’être déçus par la suite et qu’il fallait emmagasiner moultes images. Idiots nous étions. Et nous montions, effacions tranquillement (pour moi) les courbes de niveau de la carte. Il n’y avait pas bien long du départau sommet du Madres, plus ou moins 700 mètres de dénivelé, mais quand même, y’a un peu moins d’oxygène là haut, et je le sentais bien. J’étais plutôt bien, pas de douleurs dans les jambes, pas d’essouflement, mais une espèce d’impossibilité de tenir les watts plus de 5 minutes.

02Madres@yannkerveno-5

Single at its best

02Madres@yannkerveno-6

Le dernier coup de cul vers le sommet

Alors je poussais. Une première crête nous donnait à voir l’étendue du spectacle nous récompensant déjà de nos efforts. Nous apercevions presque le sommet du Madres, là bas. Ensuite s’ouvrait un joli single technique, presque à flanc, un rêve tracé dans l’herbe pour poser nos roues. Avant le dernier portage que l’on suivait en effaçant cette fois les piquets ornés de peinture plantés dans l’herbe. La meilleure façon de marcher, c’est de mettre un pied devant l’autre et recommencer. Et ne pas penser à la marche. Le vélo bien calé sur mon sac, tenu d’une seule main, j’avançais sans y prêter attention, laissant mon esprit divaguer, cherchant à savoir comment, moi le gars de la plaine, je pouvais avoir eu cette envie de gravir quelques montagnes. Et me revoyait gamin, grimpant dans une vieille carrière dans laquelle nous n’avions pas le droit de nous rendre, me revoyant plus tard, adolescent, pratiquer parfois l’escalade et partir à la suite de mes parents en randonnée en montagne. De fil en aiguille. Voilà, c’est ça peut-être que je regrette, n’avoir pas pu rendre ceci à mon père, pas eu ni le temps ni l’opportunité, mais c’est comme si je cherchais encore un moyen de le rencontrer finalement, c’est peut-êter ça que je regrette, n’avoir pu le conduire là, où j’étais à ce moment là, marchant vers le sommet rond du Madres, toucher au but, il aurait adoré.

Sommet

Sommet

Sommet

Sommet

Et retrouver les copains tout à la fois frigorifiés et heureux, comptant les isards et les marmottes, gravant dans leur mémoire ce joli bout de panorama. La suite fut finalement plus rude, mais tout aussi sympa. Un petit passage en crête, encore un peu de portage, un peu de freeride, une partie de dominos sur des dalles et des caillasses en veux tu en voilà, ça bouffe des dizaines de watts au mètre linéaire, encore des photos, encore du bonheur jusqu’au refuge juste sous la Perdrix.

Feu, début de la descente.

Feu, début de la descente.

Dru, mais dans l'autre sens.

Dru, mais dans l’autre sens.

Crête toute prête.

Crête toute prête.

La suite.