Tout vient à temps…

© Nico Valls

C’était un rêve, de ceux que l’on caresse longtemps en espérant qu’ils finissent par sortir de la lampe magique. Bon génie. L’origine c’est 2019, la cinquantaine prévue pour l’année suivante, l’idée qu’il n’est plus temps de se laisser aller, de se dire que demain c’est loin. L’idée aussi de se défier, position un peu bête et bravache à la fois, mais se dire que tout n’est pas foutu malgré l’empilement des dizaines au compteur. Se dire qu’en étant un peu assidu on pouvait y arriver. Donc j’ai roulé, roulé, allongé peu à peu les distances pour tenir la distance de ce tour rêvé, et la distance tout court.

Les 18 kilomètres qu’il fallait pour me rincer sont devenus un échauffement. Mon choix s’était porté sur le GR247, une boucle de plus de 300 km dans le nord de l’Andalousie au cœur du parc naturel des Sierra de Cazorla, Segura et Las Villas. J’avais été séduit par les photos et l’affaire, bien que sauvage, ne présentait pas un engagement au-delà d’un shoot d’adrénaline. J’avais positionné ce voyage fin septembre et début octobre 2020, juste avant mon cinquantième anniversaire. Puis voilà, paf le chien, on est resté à la maison à cause du Covid. Mais l’idée, elle, est restée bien ancrée pendant que je me laissais submerger par le travail au point de n’avoir plus le loisir de decaler ainsi quelques jours à la fin de l’été. Ne dit-on pas que tout vient à point pour qui sait attendre ? Un retournement de situation professionnelle survenu au printemps 2025 ouvrait une nouvelle fenêtre, il fallait la saisir. Comme une galéjade, je lançais sur Instagram en début d’année une invitation à nous accompagner, Nico avait déjà dit oui sans même regarder le programme. Invitation saisie au vol par Angela et Ian (enfin surtout Angela). Le temps de roder le matériel, de nous lancer sur de la grande distance et nous étions fin prêts le 23 septembre dernier.

10 heures de voiture plus loin, Nico et moi retrouvions nos deux compères de voyage arrivés là un peu avant. Vélos remontés, bagages sanglés, une petite boule au ventre pour moi (ce voyage tant rêvé allait-il tenir les promesses que j’avais en tête, allais-je pouvoir gérer plus de 300 kilomètres en une semaine ?), nous attaquions les premières pentes, parfois dures et obligeant à pousser en fin d’après-midi. Une fois le col franchi, un joli single nous déposait sur le lieu de notre premier bivouac, au bord d’un ruisseau et d’une source. La deuxième étape commençait sur le même credo, un joli single à flanc pour nous mener au pied du premier vrai poussage d’une série conséquente. À Ségura de la Sierra, pause petit déjeuner avec des croissants noirs. Puis retour sur la piste, un bout de route, un village perdu. Et un bartassage en règle pour atteindre une petite route en crête au pied du Yelmo. Un tour de montagne plus loin, nous déboulons à Hornos de Segura vers 17 heures pour manger de l’agneau dans sa graisse et finir dans un camping étrange, il n’aurait pas dépareillé dans un film policier, voire un thriller, avec un tenancier qui ne voulait pas se souvenir d’où il venait et qui a fini la soirée aussi démâté qu’un voilier pris dans un ouragan. Et puis il y a ce chien fou qui a aboyé toute la nuit. TOUTE LA PUTAIN DE NUIT.

Au matin du troisième jour, nous ne le savions pas, mais cela allait probablement être la pire journée du voyage. Une première ascension très difficile, avec de longs poussages pour mener les 24 kg du vélo à l’entame d’un sentier qui ne se roulera quasi-pas jusqu’au retour vers une piste qui ne fera perdre tout le dénivelé pris (plus de 500 mètres). La suite n’allait pas non plus être de tout repos avec une route aussi raide qu’un coup de trique au milieu des oliviers sous une chaleur marquante. Une fois à l’ombre, et face à un nouveau mur, nous décidons de poursuivre par la petite route pour rejoindre le refuge où nous devons dormir. Le quatrième jour nous a réconciliés avec le chemin, nous avons roulé toute la journée sur des routes et pistes de bonne facture, quelques fragments de sentiers joueurs et sympas, où nous avons déposé un couple en gravel (c’est pas raisonnable dans ce genre d’endroit ces vélos) avant de nous perdre dans un portage merdique au milieu des chèvres. Mais la peine en valait la peine, juste derrière nous avons touché un sentier magnifique en balcon qui nous a déposés à Iruela, juste à côté de Cazorla où nous avions loué pour une journée de repos. Bienvenue. Et pendant laquelle nous avons fait du tourisme à pied dans cette petite ville en essayant d’éviter une concentration de Mamils venus là, par centaines, pour une course cyclo.

Le cinquième jour de roulage fut aussi de toute beauté, une piste en balcon sur la campagne andalouse, les oliviers à perte de vue, un morceau de single là encore de toute beauté au creux d’une falaise, un village occupé par une procession où nous n’avons pas pu pénétrer avec les vélos, un allemand en galère de chaîne que Ian a dépanné, une longue et éreintante remontée sur sentier mi en poussant mi en roulant, suivie d’une piste couverte de 20 centimètres de poussières fines, un calvaire… Puis la descente, frappante, ardue et rapide, l’arrivée au camping, les bières fraîches et la météo. Météo qui prévoyait de la pluie pour les heures suivante alors que la province de Valence, à 150 km de là, était placée en vigilance rouge… Le réveil sur le coup de 5 heures par l’averse, soutenue. Le lever du jour, on discutait par texte de tente à tente, craignant de devoir tout plier sous l’orage. Réfugiés sous un auvent nous avons pris le petit déj en même temps que la décision de tenter notre chance, d’ailleurs il ne pleuvait plus. Et là, le drame. L’argile mouillée des chemins était aimantée par nos pneus. Mes 2.8 me permettaient, pour une fois, de rester sur le vélo pendant que les autres poussaient jusqu’à cette portion de quelques dizaines de mètres, sur un plateau sauvage, aussi infernale qu’un aligot à bonne température.

Puis, nous nous sommes engagés dans un vallon extraordinaire, au milieu de la forêt, le barranco de Guadalentín. Toute la remontée s’est faite au son du brame des cerfs, des grognements des sangliers et des éructations des vautours trempés par la flotte qui s’était remise à tomber, sans haine mais avec application. Il nous fallut quand même un bon poussage pour sortir de la vallée et gagner un col perdu pour entamer la descente vers l’étape du soir, un village où nous espérions trouver un camping et un coin pour mettre nos tentes au sec. Mais c’était l’heure de passer les kways, la pluie se faisait plus drue. Un bout de piste, deux lacs improbables et nous voilà longeant un canal, nous engouffrant dans un tunnel, quitte à rouler dans le lit du canal sans eau, pour transpercer la falaise. Puis un sentier pentu, des cailloux qui roulent, ceux qui ne bougeaient pas, des morceaux de calcaire polis et trempés, zyeutaient nos clavicules avec envie… Au débouché de cette vallée impressionnante, la forêt et l’orage. De drue, la pluie s’était faite torrentielle. Dans le village, quelques kilomètres plus loin, les rues étaient transformés en torrent, comme on le voit souvent ces temps-ci à la télé. Plus question de camping. Ian et Angela mobilisaient Booking pour trouver à 5 kilomètres de là, un hôtel qui acceptait de nous recevoir. Plus qu’un refuge, ce fut un havre où nous avons pu laver nos fringues couvertes de boues et mettre tout à sécher pour mieux repartir le lendemain. En plus de faire un excellent dîner face auquel la perspective de manger du lyophilisé sous un abri de fortune ne faisait pas le poids.

Une bonne nuit pluvieuse plus tard, face à 1000 mètres de dénivelé à prendre sur des pistes probablement détrempées, face aux plus de 120 km qui restaient à parcourir pour finir, nous faisons le choix de la route pour rejoindre la trace prévue, sous le soleil revenu. C’est là, en fin d’étape, que nous avons été confrontés pour la première fois à la problématique « eau » les différentes sources croisées sur le chemin se révélant aussi sèches que les chaussettes de l’archiduchesse. Ian finit par ravitailler deux kilomètres avant le refuge, au prix d’un aller et retour, dans une maison forestière pour que nous puissions faire cuire nos lyophilisés. Le voyage touchait à sa fin. Il restait une quinzaine de kilomètres majoritairement du single descendant pour rejoindre Silès, avec la petite amertume d’avoir dû couper la fin de la trace prévue. Un prétexte pour y retourner ? Pourquoi pas !

Au final, le rêve a tenu ses promesses, peut-être même au-delà de ce que j’avais imaginé, en paysages, imprévus, singles, etc. Ce serait à recommencer, je modifierai un peu la trace pour ôter les parties stupides à faire à vélo, surtout le troisième jour, le GR247 est une belle aventure qui peut s’optimiser et c’est un vrai circuit de VTT. Et maintenant, nous avons consolidé notre expérience de l’itinérance. Nous savons que nous pouvons rouler entre 45 et 60 kilomètres par jour une semaine durant, avec 1 500 m de dénivelé. De quoi ouvrir des portes. On va où maintenant ? Ce serait mentir que de dire que je n’ai pas, déjà, une petite idée !

Le set up

➡Le vélo : Britango ti de chez @nordestcycles , mon couteau suisse avec bientôt 8000 bornes de sentiers sous ses roues.
➡Les roues : direct artisan de chez @biketopwheels avec jantes Baron et moyeux Hope
➡Freins : Zee et disques Hope.
➡Pneus : Continental (Cross King x Mountain King en 2.8)
➡Transmission : 26 x 11/46
➡Gps @twonav_official (dont j’ai encore cassé l’attache 🤷)
➡Lampe @ravemenofficial
➡Bagages : sacoche de cintre et sacoche de cadre @ortlieb_waterproof , sacoche de fourche @columbusnature , porte-bagage @aeroebikepack + 2 sacs Intuit (Décath) plus deux porte-bidons (dont un que j’ai fracassé dans une descente). Pourquoi autant de bagages ? Pour avoir le sac le plus light possible sur le dos.

Pour ce trip, la problématique majeure c’était la dispo en eau, le choix avait été fait de partir avec une capacité max de 4,5 litres pour moi entre la proche à eau dans le sac et les deux bidons, pour boire la journée, préparer les repas du soir et les cafés du matin. On avait aussi une gourde filtrante.

➡L’équipement : Une tente, un matelas gonflable, un quilt confort 5°, un jeu de fringues pour rouler, un jeu de fringues pour ne pas rouler (on a fait une lessive durant notre jour de repos), une veste sans manche, une veste manche longue, un kway (que je ne voulais pas prendre… 😮).

La trace

https://ridewithgps.com/collections/6403394?privacy_code=38rwIOL1FBbR21I53ZXfzIHitCL1ZzFq

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