C’est un pic qui n’en est pas un, plutôt une table rase, un plateau sur lequel se poser pour contempler le monde, enfin, au moins les dizaines de kilomètres qui se déroulent sous les yeux, vallées, pics… On voit jusqu’au Carlit, le Madres, et s’il n’y avait pas eu de nuages à se développer en volutes désordonnées mais toujours gracieuses sur le versant sud, nous aurions vu la mer, le golfe clair de Rosas. Il nous a fallu cinq heures pour grimper jusque-là en tirant au plus rapide, nous voulions éviter tout risque de nous faire surprendre par les orages vu le temps que nous allions passer au-dessus de 2 500 mètres, là ou aucun arbre ne pousse plus par ici et là où nous aurions fait de parfaits paratonnerres.

Nous décollons donc de Mantet sur le coup de 9 heures, prenons les premiers 500 mètres de dénivelé par le GR10 jusqu’à la cabane de l’Alemany (ou j’étais allé cet hiver avec Nico souvenez-vous). Là, deux jeunes randonneuses malchanceuses jouaient de la pince à tiques avant de reprendre leur chemin vers la vallée de l’Orri. Le temps d’un bavardage, de remplir les réserves d’eau et nous attaquions la seconde partie de l’ascension. Imaginée par Marc, cette option avait un petit goût de sauvagerie, car Marc, s’il aime marcher en montagne, trouve ennuyeux de rester sur les chemins. Nous quittons donc le sentier qui mène à la Porteilla de Mantet pour nous engager plein ouest dans la Combe de Bassibès et batailler un peu dans les rhodos. L’affaire n’est pas aisée mais nous faisons le job sans rechigner jusqu’à arriver au pied du mur où nous nous sommes sentis piètres maçons. Le temps de manger un morceau et nous voilà l’assaut de presque 200 mètres de dénivelé sur 500 mètres linéaires.











Débouchant sur la large crête, on dira plutôt que c’est une épaule sur laquelle il aurait été bon de poser la tête quelques instants, nous avions chaud et soif. Pas question de baguenauder pour autant, nous filions rapidement, à plat, vers le Pic et Géant là-bas, de l’autre côté de la combe. En face, sur le Gra de Fajole, l’hélicoptère du secours en montagne faisait le show en exfiltrant une cordée et un blessé (chute de pierre) en difficulté. De quoi nous faire oublier le deuxième mur du jour, celui qui devait nous conduire au sommet du Pic du Géant, environ 250 mètres de dénivelé en, là encore, moins d’un kilomètre… Nous prîmes alors une pause méritée au sommet, le temps de parfaire nos coups de soleil et de décider de la suite. Ce serait encore une fois loin des sentiers battus. Nous choisissons de ne pas rebrousser chemin et descendre par la crête nord pour rejoindre l’étang de Bassibès, un œil tout rond posé en contrebas.








De là, nous pourrions gagner sans peine (ou presque) la vallée pour rejoindre la cabane où nous devions dormir. La descente quasi « droit dans la pente » mettait les cuissots et les genoux à rude épreuve mais nous étions distraits par les troupes d’isards s’égayant parfois à moins de 50 mètres de nous. Et ce n’était rien, un peu plus bas, ils étaient probablement une centaine, regroupés autour d’une pierre à sel comme des sorcières un soir de sabbat. Perso, c’est là que j’ai eu du mal et la descente suivante le long du ruisseau fut pour le moins éprouvante. À la cabane, une douche dans le torrent glacé remettait les idées en place avant l’apéro et le traditionnel magret grillé x patates sous la cendre et des discussions erratiques avec un beatnik à poil ras qui passait par là. Je crois qu’il n’était pas 21 heures quand nous avons mis la viande dans le sac avec 20 kilomètres et 1 600 m de dénivelé dans les jambonneaux. Rincés mais contents.








Au point que le jour n’était pas levé quand nous avons émergé après une nuit comme souvent un peu chaotique. Le temps d’un café, nous étions sur le chemin dès 7 heures pour revenir à Mantet. Là encore sous la pression des orages annoncés dès le milieu de la journée. La première partie du chemin vers le col del Pal est agréable dans les bois, nous longions un troupeau de Gasconnes massées derrière un portillon et visiblement impatientes d’aller brouter plus haut avec les isards, puis le dur survint. Je perdais vite le contact avec mes trois compères plus en jambes que moi et me coltinais la pente en solo en essayant de ne pas trop réfléchir. Heureusement, à cette heure de la journée, toute l’ascension se fait à l’ombre du soleil. Au col, on remettait une couche d’indice 50 puis nous engagions dans la descente. Je perdais encore contact avec mes compères pour les retrouver finalement au bord du ruisseau en contrebas du village de Mantet. Stop obligé à l’épicerie bar du village pour une bière salvatrice, il ne nous restait plus qu’à regagner la voiture et mettre le cap sur nos pénates.
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