Dans le genre de trucs à refaire, parce que celui-là, on est allé au bout, ça, c’est une belle histoire. Au début, il y avait cette idée qui me trottait dans la tête depuis un bail, depuis que je prends le train parfois pour aller à Montpellier et que mon regard peut se balader à travers les étangs et les lagunes pour profiter du lever du soleil ou, au contraire, de la lumière rasante des fins de journée, l’hiver, quand il fait froid et que la tramontane provoque des tempêtes de verre d’eau. Peut-être est-ce l’heure d’une confidence, j’aime ces espaces entre deux, largement indéfinis, aux contours mouvants que sont les lagunes méditerranéennes (mais probablement aussi toutes les autres, j’ai depuis toujours été attiré par les ambiances ouatées des marais. D’où, peut-être, mon appétence, osons le mot, l’amour que j’ai, pour la langue et les obsessions de Julien Gracq).
Bref, revenons à nos vélos, il y avait donc un bail que je rêvais de rouler sur la plage battue par les rouleaux qui s’étirent entre La Franqui et Port la Nouvelle. J’avais bien regardé la carte, il n’y avait pas de raison que cela ne passe pas. À condition d’être correctement chaussé, détail qui a son importance, vous le verrez plus tard. Il suffisait de trouver l’occase, comme souvent. Et c’est l’ami Giorgio qui nous l’a procuré nous indiquant une table qui valait le détour du côté de Treilles, dans les premières entrailles des Corbières, non loin de La Franqui, justement. L’affaire était dans le sac, la trace rapidement imaginée et la date calée. Au mois de mars. Cela a aussi son importance, vous le verrez plus tard.
L’idée était simple, prendre le train à Salses le Château, descendre à Narbonne, choper le canal de la Robine, se laisser glisser jusqu’à Port-la-Nouvelle, enquiller la plage jusqu’à La Franqui puis grimper manger à Treilles et rejoindre Salses par la garrigue derrière Fitou. #eazy. Nous prenons donc le train de bon matin, Peter, Simon, Marc, Giorgio et moi, débarquons de bonne heure à Narbonne, faisons une première pause pour prendre un café même pas encore mérité sur le bord du canal. Puis nous filons. Le temps est parfait. Pas trop chaud, mais on est en mars. Mais surtout, il n’y a pas de vent. Ni de moustiques (élément fondamental dans ce secteur pour l’intégrité des peaux).
Nous avançons bien, vite. Ce n’est pas le moment de se faire décrocher sinon on a du mal à recoller. La piste qui longe le canal secoue un peu mais on tient un bon 18 de moyenne sans trop se préoccuper du lendemain. On a environ 80 bornes à faire aujourd’hui mais quasi-pas de dénivelé alors on souque ferme. Nous voilà vite arrivés à l’île Saint-Lucie dont nous faisons le tour, cerise sur un gâteau encore à croquer. Il est environ 10 heures quand nous déboulons au milieu du marché de Port-la Nouvelle où un ami de Peter nous attend pour l’apéro. OK 10 heures c’est tôt, mais nous sommes vaillants et c’est samedi. Bières et ricard sont de la partie.
Nous zonons un peu en repartant pour trouver l’entrée de la plage, un comble, et nous nous engageons sur le sable durci. Enfin presque. Pour tuer le suspense, mars, c’est un peu tôt pour ce genre de délire, la plage est encore bien humide et le sable un peu tendre. Il nous faut apprendre à deviner les bonnes trajectoires, deviner, à la couleur du sable, là où il portera le mieux et évoluer ainsi de zones en zones, parfois au ras des rouleaux, parfois à 100 mètres de là. Toute la première partie, jusqu’à la digue qui scinde la plage en deux, se passe assez bien. Et plus on a de gros pneus, mieux c’est. À la digue, nous avions le choix. Revenir vers la terre pour choper la piste qui longe la voie ferrée, continuer sur la plage quoi qu’il arrive. Et ce qui devait arriver arriva.
Nous avons fait, sous mon impulsion, j’avoue, le mauvais choix. Celui de la plage. D’abord, cette deuxième partie roulait bien moins bien que la première, le sable était souvent mou et il fallait, quand on pouvait rouler, cracher des watts pour rester sur le vélo. Grâce à mes pneus en 2.8 pas trop gonflés, je me trouvais vite être le seul à pouvoir continuer de rouler. Au ralenti. Mais sur le vélo. Les autres poussaient le vélo en marchand à côté. L’avantage, c’est qu’avec moi ils ont l’habitude et que ce sont de bons compagnons qui prennent tout avec philosophie et à la rigolade.
Les choses se sont ensuite compliquées quand il a fallu rejoindre la terre ferme. Le chenal par lequel l’eau de la Méditerranée passe derrière la plage était bien plus important que ce que j’avais imaginé. Au lieu des quelques centimètres d’eau de mon imagination, un vrai bras de mer nous barrait le chemin, sur une trentaine de mètres de large, mais le pire, c’est qu’on ne pouvait en estimer la profondeur… C’est là qu’il a fallu mouiller autre chose que le maillot. Il était tard, midi passé, le restau nous attendait, il fallait traverser pas le temps de refaire en sens inverse le chemin sur lequel on venait de lâcher une heure. Les plus grands ont à peine mouillé le bas du cuissard, les autres… Les plus malins ont mis le vélo sur les épaules pour limiter les dégâts du sel, les autres ont préparé leur rendez-vous futur chez le mécano en poussant presque le vélo dans l’eau (hein Marc ?).
Le cul au frais, nous avons tous traversé, nous sommes essuyés comme nous pouvions, sous les yeux pour le moins interrogatifs des badauds qui nous avaient observés depuis la promenade et nous avons renfourché les vélos pour rejoindre la pause casse-croûte ou nous avons débarqué bien après 13 heures. Nous étions les derniers et en plus tous crottés pour débarquer dans un gastro de bonne facture. Je vous passe les détails, nous avons fait honneur aux cartes, toutes les cartes, avant de repartir pour crapahuter dans la garrigue.
La suite est plus conforme à nos habitudes, pistes, cailloux, sentiers, jardinage, mais le chemin nous a ramené jusqu’à Salses le Château sans grandes aventures mais par un single touffu et pas bien propre qui nous a lacéré les jambes et les bras avec application. Au final, plus de 70 bornes (on n’avait jamais fait ça) d’une très belle balade qu’il faudra refaire, mais en restant sur la terre ferme cette fois ! Et personnellement, j’ai adoré rouler sur cette plage de sable dur, c’était comme, peut-être, rouler dans le désert, enfin, dans un espace plane, c’est rare ici de voir ainsi aussi loin au ras du sol !
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