Des fois je me goure. Mais je me goure velu. Voilà, c’est ce qui s’est passé dimanche. J’avais prévu un ride costaud mais beau, de ceux qui te font avancer parce que c’est chouette et que ce que tu vois te donne envie d’en avoir plus, d’en voir plus. Nous étions un poignée de joyeux lurons au départ au col de Mantet. Quelques légitimes interrogations pointant, je décidais de changer le programme, au dernier moment. Au lieu du portage et des Esquerdes, il serait question de la piste vers le col. Une broutille, ça monte toujours bien par là.
Au col, nickel. De la brume, on ne voyait rien. De là, après avoir jeté un coup d’œil ému aux Esquerdes à droite, nous sommes grimpés jusqu’au Pla Guillem. Ce nom, ce truc, qui me faisait rêver depuis quelques années. Et franchement, j’ai eu raison de rêver. C’est beau. Immense et réduit à la fois, c’est de la haute montagne, tu as l’impression de pouvoir toucher les falaises quand elles sont à trois bornes.
Bref, j’avais des merdes avec mon tubeless. Déjà, de bon, matin, il faisait déjà 25°, la canicule toussa, j’ai bataillé 25 minutes pour le faire claquer et faire que cette putain de valve arrête de perdre. Mais là, premiers mètres de descente dans la caillasse sur une piste somme toute tranquille, -2%, et pschitt. Tentative avec Miguel de remettre la valve, peine perdue, chambre glissée dans le caoutchou plein de latex, ça sera sympa demain quand je vais mettre les mains dedans. Bref, après le refuge on entrait dans l’inconnu, je ne connaissais pas ce bout là.
Le temps de spotter les cairns pour retrouver la trace et nous voilà dans un merdier impensable, inroulable, sauf à ne pas payer les dérailleurs et les roues ou à être doté d’une technique de trialiste pas pressé. Donc, le single du refuge jusqu’à la Croix de Lipodère (GR83) vous oubliez c’est pourri ! (Prenez la piste à droite du pic, ça ira mieux). À la croix, la descente se fait mignonne, je l’avais déjà empruntée en début de saison avec Marc, ça roule à flanc, c’est sauvage, ça gratte un peu les mollets par endroit, on n’y voit pas bien la trace, puis ça plonge dans la forêt et là c’est grand bonheur, mais nous n’avions plus d’eau. L’heure était grave, les gorges sèches. Il fallait faire des choix. Étant le seul à connaître et le coin et la trace, c’était pour ma pomme.
La problématique était simple. Il nous fallait de l’eau, mais l’eau était à deux kilomètres au bout d’une jolie piste au refuge de Mariailles. Devant nous s’ouvrait une belle descente qui nous ferait perdre 250 m de déniv par rapport à l’eau. À gauche se trouvait la descente que je ne connaissais, et encore pour partie seulement, que par ouïe dire. C’était celle qui devait nous ramener illico vers Py. Donc, nous sommes allés chercher de l’eau, puis j’ai décidé de revenir sur nos pas pour prendre ce joli bout gourmand dans la forêt. En me disant, vu les 250 m de D+ qu’il y avait à reprendre, l’heure qu’il était, l’âge du capitaine et tout le toutim, qu’on allait transiger pour le plus rapide. Je croyais.
Le plus rapide en l’espèce c’était de, horreur, prendre la piste pour un bon bout descendant. Au parking, nous avons donc dévalé la piste à tombereau ouvert. Mais je ne souhaitais plus nous lancer dans une explo inédite, sans savoir ce qui nous attendait. Une fois la piste dévalée jusqu’au col de Jou, j’avais imaginé prendre le GR10 pour rallier Py, où nous attendait la voiture de Taupe. J’avais avec Marc déjà pris ce sentier, mais dans l’autre sens. L’avais alors trouvé dur, on avait porté longtemps, mais dans mon souvenir, dans l’autre sens, c’était roulable. Mais en fait, pas vraiment. Et là, c’était vraiment galère. J’ai avancé comme un taré pour voir s’il était possible de faire quelque chose, mais non, il fallait endurer ce sentier mal pavé de mauvaises intentions, qui te te laissait rouler que 20 mètres avant de te menacer de t’envoyer bouler 30 mètres plus bas… Je n’ai pas osé partir dans l’inconnu, infliger aux autres ce que je suis capable moi-même d’endurer parfois comme conséquence de mes idées stupides en la matière ! Parce qu’au final, pourrie pour pourrie, on avait la choix des fins.
Bref, c’était une mauvaise idée. Il restera le bonheur de la crêtes, les esquerdes, le Pla Guillem, ce sentiment infini de liberté, la montagne qu’on peut toucher du bout des rêves et ce petit single sauvage se glissant fripon dans la forêt comme le courant d’air par la fenêtre au petit matin sur la peau des corps éreintés par la chaleur de ces jours ci. Mais cette grande balade reste à affiner, il faudra aller voir ce fichu sentier que nous n’avons pas pu goûter parce que si ça passe, c’est beau ! Et comme nous avons eu bien chaud, l’envie de regarder, et d’écouter ça : « Water walk » de John Cage. « Because I walk while I perform. »
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