Cela aurait pu être très bien

Je m’étais organisé pour rendre tout mon travail à temps et pouvoir profiter de cette belle après-midi de janvier. Soleil sans vent, temps frais mais pas froid. Laurent nous avait convié à venir vérifier que la petite retenue d’eau située au dessus de Nohède était bien gelée. Nous avions rendez-vous au village sur le coup de 12 h 30 pour profiter des meilleurs heures de la journée. Puis au moment d’enfourcher les vélos le téléphone qui sonne, l’alerte du Monde m’apprenant l’attentat survenu dans les locaux de Charlie. Et la consternation.

Le temps de la montée, le temps de la réflexion.

Le temps de la montée, le temps de la réflexion.

J’ai passé ensuite une bonne partie de l’après-midi à gamberger, en l’absence d’information régulière sur ce qui s’était passé, pas moyen de choper un live sans réseau et n’étant informé de loin en loin que par les sms de Marie qui m’arrivaient par paquet de 10. Donc là, tu roules, tu fais tourner les jambes en réfléchissant – je suis journaliste aussi – tu penses à l’horreur, tu te demandes pourquoi tu es aussi choqué. Sans trouver des réponses simples. Choqué parce que c’est inimaginable. Choqué parce que les noms des victimes te sont familiers, même si je n’étais pas lecteur de Charlie, je l’ai été de Pilote il y a longtemps. Choqué parce que cet attentat nous montre qu’il n’y a pas de sanctuaire, à la manière du World Trade Center en 2001. Que la raison perd toujours face aux tarés.

J'ai roulé en étant là et ailleurs à la fois.

J’ai roulé en étant là et ailleurs à la fois.

Il y a vingt-cinq ans que je suis journaliste, oh, pas de ceux qui passent à la télé, pas de ceux qui vont sur les fronts meurtrier, non, je suis un soutier, un obscur gratte-papier travaillant pour des revues quasi confidentielles, mais chaque jour, je tente de préserver la liberté qui nous est confiée, de donner aux lecteurs, à mes lecteurs, l’information la plus honnête possible dans des conditions d’indépendance économique de plus en plus difficiles. Mais c’est un autre sujet.

Gare à la chute.

Gare à la chute.

Alors il reste quoi ? Un goût amer. Un sentiment d’effroi. À croire finalement que la barbarie gagnera toujours, 1914-1918, la seconde guerre mondiale, les camps de concentration, la Bosnie, Le Rwanda, l’Irak l’Afghanistan, la Syrie, ne servent à rien. On voit resurgir sous le coup de l’émotion les vieilles rengaines racistes puantes, cette faculté des hommes à stigmatiser l’autre, celui qu’ils ne veulent pas connaître.

Le lac est bien gelé

Le lac est bien gelé

Il faisait presque chaud hier quand nous étions au soleil, à bavarder sur les bords du lac, mais il faisait froid en dedans. Je pensais à maintenant, à cet après 7 janvier. Sans savoir quoi penser finalement. Sans savoir non plus quoi ou comment écrire, quoi dire, ces petits mots alignés ne font guère de sens, ne règlent en rien l’immense défi auquel le monde entier est aujourd’hui confronté.

…

Enfin si en sachant quoi penser. Qu’il ne faut pas renoncer. « Ami, si tu tombes un ami sort de l´ombre à ta place. Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes. Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute… » chantait Anna Marly et toutes ces bouches réduites à murmurer dans les maquis d’ici ou d’ailleurs. À nous de sortir l’ombre.

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