On le sent arriver à pas de loup l’automne. Il fait encore beau et relativement chaud, pas loin de 25° quand le soleil s’impose, mais le matin frais, un léger hâle brun sur les feuilles des espèces à feuillage caduque qui couvrent les flancs de montagne et parfois, la brume, sont des signes tangibles. Nous partîmes tôt, quand l’aube n’était encore qu’une idée indécise dans notre Est pour être sûr d’attaquer la longue grimpette vers le refuge de l’Estanyol dès le début du jour. L’idée était d’aller saluer sur leur passage les coureurs de l’ultra-trail organisé ce week-end et qui franchissait le massif du Canigou.
Nous devions donc grimper de Valmanya jusqu’au GR10, une grimpette de 700 mètres de dénivelé que nous avons passé en devisant tranquillement, le temps d’aller, juste avant, s’enquérir auprès des chasseurs se préparant dans le village, de la zone où ils allaient traquer le sanglier, histoire de ne pas devenir gibier par imprudence.
Une fois en haut, nous avons regardé passer quelques concurrents et concurrentes débouchant du balcon du Canigou sous le soleil, puis nous nous sommes engagés dans un sentier que je connaissais pour l’avoir emprunté il y a trois ou quatre ans, il était déjà fort encombré à l’époque. Une fois engagé dedans, ça avait l’air d’aller. C’est droit dans la pente au début mais sans piège et nous avions du grip. Puis la trace, qui devait nous faire perdre presque 300 m de dénivelé en un rien de temps, se stabilise un moment, c’est un grand mot, elle se fait ridiculement étroite et déjà les arbres lancent leurs branches gorgées d’eau en travers. C’est là que nous fûmes pris en chasse par une horde de petites guêpes passablement énervées, et probablement réveillées trente secondes auparavant par le passage sur leur nid, il est au milieu de la trace, de Loïc et Nicolas qui ouvraient la descente. J’ai tenté de passer rapidement, me disant que j’irai trop vite pour me faire piquer. Présomptueux je fus, la force elles avaient, le temps de traverser sans m’arrêter j’avais été piqué au moins sept fois. Malin, derrière moi, Marc fit un détour pour éviter les assauts, suivis par Giorgio, mais les guêpes avait compris, lui aussi fût piqué. Heureusement la fin du sentier, un vrai chantier, qui pourrait être magnifique s’il était simplement un peu débroussaillé, était farcie d’ortie dont la caresse virile sur nos mollets et nos cuisses allait disperser la douleur sur une zone plus importante de notre peau.
Ce fut l’heure alors de porter un peu le vélo pour atteindre les anciennes mines de la Pinouse, haut-lieu de l’histoire de la seconde guerre mondiale dans les Pyrénées-Orientales.
De là, après avoir évoqué l’histoire de Julien Panchot, du maquis Henri Barbusse et du martyr de Valmanya, il était temps de nous engager sur le sentier qui nous conduirait à l’ancienne voie de chemin de fer. Celle qui permettait d’évacuer le minerai vers son destin.
C’est un joli sentier, tout en balcon, que nous empruntons alors, avec de bonnes parties de descentes techniques et un poil humide, avec des racines et des pierres, allongées là lascives en travers, la hanche tendrement posée vers le dévers, l’oeil aguicheur, les feuilles en guise de cheveux, sirènes tranquilles nous prenant pour des Ulysses de pacotille.
Elles eurent parfois raison de notre audace, mais nous avons fait bonne figure jusqu’à la voie de chemin de fer. Déboulé à toute vitesse, ce plat, surprenant à 1200 m, nous a conduit à l’entrée d’un sentier bien compliqué, un champ de guerre encore, mais de 14-18.
La tempête a frappé là, arbres en travers, décrochés brutaux, ce n’est pas sans similitude avec les vestiges des champs de bataille lorrains.
Au col de Palomère, il restait le meilleur. Une trace en deux temps, follement rapide en longues épingles dans un premier temps, une trace de 15 centimètres de large avec un peu de gaz à gauche, ou à droite, c’est selon, tiens, un cèpe, et nous filions encore à toute vitesse.
Une brève remontée sur une centaine de mètres et paf, ça recommençait pour l’ultime run, un flanc tout à l’ombre permamente d’une exposition plein nord, une trace encore étroite et parfois, des patinoires cabossées de pierres moussues, des épingles infernales.
Et ce sourire sur nos faces réjouies.
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